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accident ne peut nous rendre ou nous ôter la vie, et que toutes ces choses ne sont que les instrumens de Dieu.

« J’ai été obligé de faire une symphonie pour l’ouverture du concert spirituel, et elle a été exécutée le jour du vendredi saint au bruit des applaudissemens universels. J’ai eu grand’peur à la répétition, car de ma vie je n’avais entendu quelque chose de plus mauvais. Vous ne pouvez vous figurer la façon dont la symphonie a été égratignée et estropiée deux fois de suite. J’étais au désespoir, j’avais voulu la faire répéter encore une fois, mais il était trop tard. Il fallut donc aller me mettre au lit, le cœur inquiet, l’ame mécontente et avec colère. Le jour suivant je résolus de ne pas aller au concert ; mais le soir, comme il faisait beau temps, je me décidai à m’y rendre, bien décidé, si l’orchestre marchait aussi mal qu’à la répétition, à me jeter au milieu des musiciens, à arracher l’instrument des mains du premier violon, M. Lahouse, et à diriger moi-même. Je priai Dieu de faire bien aller les choses, et ecce, la symphonie commencée, un passage que je savais bien devoir plaire réussit ; l’auditoire fut entraîné et les applaudissemens éclatèrent. — L’andante plut aussi, mais surtout le dernier allégro. Comme je savais qu’ici les derniers allégros, ainsi que les premiers, commencent aussitôt avec tous les instrumens, et suivent unisono, j’avais commencé seulement huit mesures, mais piano, avec les deux violons. Là-dessus venait tout de suite un forte. Au piano, les auditeurs (comme je m’y attendais bien), firent sch ! Alors commença tout de suite le forte. Entendre le forte et applaudir fut tout un. Je m’en allai donc plein de joie, après la symphonie, prendre une bonne glace au Palais-Royal ; je dis le chapelet que j’avais promis à la sainte Vierge de dire, et puis je gagnai mon lit.

« Portez-vous bien, ayez soin de votre santé, reposez-vous sur Dieu, et vous trouverez de la consolation. Ma chère mère est dans les mains du Tout-Puissant ; s’il veut vous la donner encore, nous le remercierons de cette grâce ; mais s’il veut la prendre, nos inquiétudes, nos peines et notre désespoir ne serviront de rien. — Abandonnons-nous avec constance à sa volonté, avec la ferme conviction qu’il n’agit jamais sans motif. »

Dans sa réponse, le père mêle, comme son fils, la musique à sa douleur, et il ne peut s’empêcher de laisser éclater son ava-