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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

disait le bonhomme, il lit ses ouvrages à ses amis et les corrige quand ils ne leur plaisent pas. Il s’agit ici de gagner de l’honneur et de l’argent, et quand nous aurons de l’argent, nous irons en Italie. Allons donc, du courage ! »

Un triste événement acheva de ravir à Mozart ce courage que son père lui recommandait. Sa mère mourut, et la douleur que lui causa cette perte augmenta encore son aversion pour Paris. Il le quitta pour n’y revenir jamais et s’en alla à Munich. Mieux accueilli cette fois, il composa son opéra d’Idomeneo qui eut un immense succès, et ne tarda pas à s’établir à Vienne, où nous l’avons trouvé dînant à la cuisine de l’archevêque, entre un laquais et un marmiton. C’est là que l’avait mené la gloire !

La mère de Mozart était déjà morte, morte sous ses yeux, quand il écrivit la lettre suivante à son père, à Saltzbourg :


Paris, le 3 juillet 1778.

« J’ai une nouvelle bien triste et bien désagréable à vous donner ; c’est ce qui est cause du retard que j’ai mis à répondre à votre dernière lettre ; ma mère est très malade. — Elle s’est fait saigner comme elle a coutume de le faire, ce qui lui réussit d’abord ; mais quelques jours après elle se plaignit de ressentir du froid et de la chaleur en même temps, — éprouva des douleurs de ventre et de tête, et, comme son mal augmentait sans cesse, comme elle ne pouvait parler qu’avec peine, et qu’elle perdait la faculté d’entendre, au point qu’il fallait crier à ses oreilles, le baron Grimm nous envoya son docteur. — Elle est très faible, elle a encore la fièvre et le délire. — On me donne de l’espoir, mais je n’en ai pas beaucoup. Depuis plusieurs jours et plusieurs nuits je flotte entre l’espérance et la crainte ; mais je m’en suis remis entièrement à la volonté de Dieu, et j’espère que vous et ma chère sœur en ferez autant. Est-il donc un autre moyen d’être tranquille, plus tranquille je veux dire, car comment l’être tout-à-fait ? Je suis résigné, quoi qu’il arrive, parce que je sais que Dieu arrange toutes choses pour notre bien (même quand il nous survient de telles traverses). Je suis persuadé que nul docteur, nul homme, nul malheur, nul