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COSMOGRAPHIE.

Comme si Dieu, qui a créé le soleil, la lune et tous les astres, n’a pas pu leur imprimer le mouvement, ainsi qu’il a donné aux corps pesans et légers une tendance à se précipiter vers la terre, et à tous les êtres vivans une faculté de se mouvoir qu’ils tirent du principe d’activité qui les anime[1]. »

Dans ce beau passage, Jean Philoponus paraît entrevoir que la force dont les mouvemens des corps célestes sont le résultat, pourrait avoir de l’analogie avec la pesanteur. Mais Jean Philoponus ne s’est pas plus douté de la théorie des forces centrales que Descartes, auquel Bailly attribue la découverte de la force centrifuge[2]. L’honneur des découvertes s’établit sur des titres un peu plus clairs. On peut rappeler ici qu’un des interlocuteurs d’un dialogue de Plutarque compare le mouvement de la lune autour de la terre à celui de la pierre dans une fronde en mouvement. Elle est retenue par la corde, qui l’empêche de s’échapper, en même temps que la rapidité de son mouvement la maintient à l’extrémité du rayon[3]. C’est là une image assez juste du combat des deux forces dans les mouvemens circulaires. Le principe sur lequel cette image repose remonte, je pense, jusqu’au système d’Anaxagore[4], qui croyait que les corps célestes sont des pierres que la rapidité du mouvement diurne a entraînées de notre terre et maintenues ensuite dans les hauteurs du ciel.

On ne peut voir en tout ceci que des aperçus rapides et fugitifs, qui, n’étant amenés par aucune observation suivie, n’ont jamais été

  1. J. Philop. de creat. Mundi, i, 12, p. 25.
  2. Delambre, Hist. de l’astron. mod. ii, p. 212.
  3. De fac. in orbe lun. ix, p. 652.
  4. Pseudo-Plut. Plac. ph. ii, 13 ; Stob. Éclog. phys. i. 508, ed. Heer. — C’est, je pense, cette opinion d’Anaxagore qui donna lieu de lui attribuer la prédiction de la chute de l’aérolithe tombée près d’Ægos Potamos. (Plut. Lysand. c. 12.) Il pensait que les astres sont des pierres que la rapidité du mouvement diurne a enlevées de la surface de la terre, et qui, après avoir été enflammées par l’éther, sont devenues des astres éclatans. Or, comme dans ce système, il devenait possible que quelques-unes des pierres emportées par le tourbillon éthéré retombassent sur notre terre, on aura attribué à Anaxagore la prédiction d’un phénomène dont son système avait en quelque sorte donné l’explication d’avance.