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près des inspirations émises d’en haut, et sur des documens confiés à un jeune avocat qui se chargea avec beaucoup de zèle de la responsabilité de ce singulier ouvrage. C’était une preuve de dévouement s’il en fut jamais. Elle avait été donnée, il faut le dire, avec beaucoup de cœur et de franchise par le jeune écrivain qui connaissait bien mal les choses et encore plus mal les hommes qu’il vantait. Ce zèle méritait une récompense ; elle vient d’être accordée. L’auteur du livre dont il est question, peu familier avec les affaires, avait si mal arrangé l’exécution matérielle de celle-ci, que les bénéfices furent absorbés par les frais, et que poursuivi lui-même pour un excédant de dépenses, il fut écroué à Sainte-Pélagie. On s’adressa vainement pour lui à l’ordre de choses qu’il avait si bien servi, et à ses dépens encore. Les ministres qui l’avaient loué et encouragé, firent également la sourde oreille. Enfin, après plusieurs mois de captivité cruelle, le haut personnage le plus intéressé à la publication du livre, celui pour qui il avait été fait, s’est décidé à venir au secours du pauvre écrivain. Il y a peu de jours qu’un de ses familiers est venu, de sa part, remettre au ministre de l’intérieur deux mille francs pour le prisonnier. Il en fallait huit mille pour le mettre en liberté ! Avis aux écrivains ministériels.


M. Alphonse Royer, l’un des deux auteurs du beau roman des Mauvais-Garçons, a publié seul un nouveau roman, intitulé Venezia la Bella[1], dédié à son ancien collaborateur, M. Auguste Barbier, l’auteur des Iambes et du Pianto. Dans ce nouveau livre, M. Royer peint en artiste des derniers jours de la république de Venise ; il annonce, par un dernier cri de douleur, la chute totale de cette merveilleuse cité. Un long séjour à Venise, un goût éclairé des arts, une tournure d’esprit toute particulière qui le porte à s’occuper, plus des monumens que des races, des ruines que des monumens debout, donnent à ce livre un caractère de vérité et une forme originale. Venezia la Bella est un roman ; M. Royer a assujéti ce beau tableau de Venise aux formes d’un drame, et ce drame est quelquefois plein d’intérêt ; mais ce qui vaut mieux que le drame de M. Royer, ce sont les belles et curieuses descriptions des églises, des places, des canaux, de la mer et des lagunes, ce sont les belles appréciations historiques qui les accompagnent. Les hommes qui aiment et cultivent les arts, regretteront, en lisant le livre de M. Royer, que son talent incontestable n’ait pas pris une forme plus sérieuse, et que les immenses recherches auxquelles il a dû se livrer, les incursions

  1. Chez Renduel, rue des Grands-Augustins, 22.