Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/604

Cette page a été validée par deux contributeurs.
592
REVUE DES DEUX MONDES.

l’empereur devait revenir en personne. M. Sapey, ami de Lucien Bonaparte, demandait en quelque sorte une exception en sa faveur. Un fait curieux, c’est le peu d’intérêt que le général Bertrand a montré pour toute la famille impériale. Le général Bertrand s’est rendu, en cette circonstance, l’interprète fidèle de la pensée de Napoléon, qui, dans son exil, eut vivement à se plaindre de sa famille. Mme Lætitia et la princesse Borghèse, seules parmi tous ses parens, demandèrent à le visiter à Sainte-Hélène, et cette dernière lui envoya généreusement son fameux collier de diamans, qui apparut plus tard, on ne sait comment, à Paris, dans un bal, sur les épaules de la femme d’un des exilés de Sainte-Hélène. Pour Eugène Beauharnais et les siens, on sait qu’ils refusèrent d’accepter une lettre de change que Napoléon avait tirée sur eux de sa prison. Jérôme refusa aussi d’entendre parler de son illustre frère, et ferma à un de ses envoyés la porte du château où il vit seul avec son secrétaire, se faisant annoncer par un huissier qui le précède, en criant : Le roi ! dans les salles vides qu’il parcourt. Dans la famille du prince de Canino, on ne désigne l’empereur que par ces mots : ce coquin de Bonaparte, et l’un des fils du prince romain fut chassé de la maison paternelle à cause de son admiration pour Napoléon. On se souvient de la mort de ce malheureux jeune homme qui se brûla la cervelle, désespéré de l’abandon où ses parens le laissaient. Tout contribue enfin à justifier le peu de sympathie du vieil ami de Napoléon pour les parens de son protecteur, et à démontrer l’inutilité des rigueurs exercées contre cette famille qui est beaucoup moins bonapartiste qu’on ne le pense généralement.

L’émeute gagne aussi les Pays-Bas. L’enlèvement d’un fonctionnaire belge par la garnison de Luxembourg a causé beaucoup de rumeur à Bruxelles, et la réponse calme et pacifique du roi Léopold au message du sénat a tellement irrité les esprits, qu’il a été brûlé, dit-on, en effigie sur une place publique. Dans sa réplique au sénat, Léopold semble beaucoup compter sur l’appui de la France et de l’Angleterre, et cette réponse rappelle un peu le niais de la comédie qui s’écrie quand on le menace : « Si vous vous attaquez à moi, vous aurez affaire à lui ! » Ce n’est pas par leur fermeté vis-à-vis de l’étranger que brillent les monarchies élues de juillet et de septembre.

On parle aussi d’un mouvement révolutionnaire en Espagne, et de la démission de M. Martinez de la Rosa, ainsi que de celle de son collègue M. Gareli. On doit s’attendre d’un jour à l’autre à la dislocation de ce ministère, où les hommes d’affaires n’abondent pas. Un de ses derniers actes a été d’envoyer comme ambassadeurs à Paris, à Londres et à Rome, le duc de Frias, M. Florida-Blanca et M. Castro. Le duc de Frias et