Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/599

Cette page a été validée par deux contributeurs.
587
REVUE. — CHRONIQUE.

famine qui devait les dévorer, la banqueroute frapper à toutes les portes de cette industrieuse cité ; il s’inquiétait peu de la voir déserte ; loin de là, son attitude éloignait toute idée de conciliation, ses agens excitaient sans cesse les fabricans à amener la catastrophe qu’il désirait, car Lyon saccagée et dévastée cessait de devenir une inquiétude pour le pouvoir, et de là devaient sortir toutes les lois d’oppression et d’exception qu’il lui faut. C’était d’ailleurs une diversion puissante au budget, qui a passé en effet sans embarras, avec sa longue queue de crédits supplémentaires. Ce ne sont pas ces queues-là que M. Viennet et ses amis du centre sont d’avis de couper. D’ailleurs, comme l’a fort bien dit M. Thiers, que sont vingt millions de crédits supplémentaires après un budget de onze cents millions ?

Sans M. Thiers que deviendrait ce ministère, maintenant que M. Guizot se tait, et que M. de Broglie ne parle plus ? Qui se chargerait de payer la chambre de mauvaises raisons, de fausser les idées, de tourmenter les chiffres, de les rendre inintelligibles, de couper insolemment les discussions les plus importantes, par la présentation de projets de loi de l’intérêt le plus mince ? Il faut rendre cette justice aux autres membres du ministère, que pas un d’eux n’irait jusque-là. Ce n’est pas M. Guizot, homme grave et instruit, qui dirait dans une question commerciale qu’en Angleterre le ministère a un fonds particulier pour l’encouragement du commerce, et que c’est avec ce fonds qu’on a creusé en Irlande le canal calédonien ; voilà cependant ce que le ministre du commerce a dit et imprimé la semaine dernière. M. de Broglie, qui, dans ses discours à la chambre des pairs, a si bien et si souvent défini le gouvernement représentatif, ne se chargerait certainement pas de venir déclarer à la chambre que sur vingt millions de crédits supplémentaires, onze millions ont été dépensés par ordre exprès du roi, et que les neuf autres sont trop peu de chose pour qu’on ait à s’en occuper sérieusement. « Vingt millions, disait M. Thiers, ce n’est pas un pour cent sur la totalité du budget ; et qui de vous, messieurs, est en état de calculer une affaire à un pour cent près ? » Au reste, il faut féliciter M. Thiers, puisque cette manière d’argumenter produit son effet sur la chambre, qui a cessé de le chicaner sur son budget, et ne l’oblige pas à dire, comme il disait l’année dernière : « Ah ! ils me font des réductions. Eh bien ! je leur f… des crédits supplémentaires. »

M. Thiers s’est encore montré bien supérieur dans la discussion de la loi sur l’état-major général de l’armée de terre. Ce jour-là, M. Dupin et la chambre se sentaient pris en même temps d’une velléité d’indépendance. Un amendement de M. Demarçay, qui interdit au roi la faculté