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toutes sortes de tribulations dont ils se sont tirés avec une honorable persévérance.

Un moment aussi, au plus fort de leurs embarras et malgré l’abondance de leurs richesses naturelles, ils ont agité des questions de propriété. Alors, comme de nos jours, on s’est demandé quand le droit d’exister pouvait limiter le droit de posséder ? Cette question, résolue par des mesures fermes sans cruauté, ne fut que l’incident passager d’une guerre ruineuse. En dehors d’une situation extrême ou d’un jugement historique, elle est vaine en effet. La France est loin d’être réduite aux terribles nécessités qu’on se figure. L’avantage d’une grande surabondance de terres fertiles est incontestable, mais quand on en a encore beaucoup d’incultes et de mal cultivées, il peut être compensé par celui d’une plus grande accumulation de capitaux, et surtout par la bonne direction qu’on leur donnerait[1].

Quel que soit d’ailleurs le terme de la discussion que nous venons d’indiquer, nous avons pleine confiance en ses résultats. Ne semble-t-il pas qu’elle se calme à mesure qu’elle s’étend, et que la force se met au service de la science dans ces recherches d’humanité où elles ne peuvent marcher séparément ? Une partie de la société s’en est émue avec autant de sincérité que d’autres en mettent peu à utiliser ses frayeurs ; mais les esprits faits pour marcher en avant y ont gagné du courage avec de nouvelles lumières, et cette peur que tous partageaient s’affaiblit quand on s’aperçoit combien peu elle est fondée, puisqu’elle est si générale. Les fureurs les plus déréglées, les utopies les plus bizarres ont eu leur côté utile. Elles ont contribué à élargir nos études, en nous forçant à considérer froidement les fantômes qui nous troublaient. Quand le fantôme s’est évanoui, nos jugemens sont moins timides, et ce qu’on

  1. Mais que faire quand un impôt ruineux grève à la fois le sol et ses produits ? Nos deux millions d’hectares de vignes, qui occupent entre la douzième et la treizième partie de la population, supportent plus de la moitié de la contribution totale du reste du territoire, l’impôt foncier sur les vignobles faisant double emploi avec celui sur les boissons. Aussi le vin de Surène est-il plus cher à Paris que le vin de Bordeaux à New-York.