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recettes avec les expédiens de nos administrations financières depuis que nous sommes entraînés à des emprunts toujours croissans ? L’Angleterre, en cessant, à partir de 1829, d’amortir sa dette, a du moins réduit ses dépenses sans diminuer son crédit. Quant à nous, nous multiplions les charges qui nous font emprunter par les procédés mêmes destinés à les réduire, et nos dépenses de toutes les sortes s’accroissent en même temps que le capital de notre dette. En considérant d’une part l’amortissement des États-Unis, le seul réel et définitif, l’immobilité de la dette de l’Angleterre avec la compensation de ses réductions de taxes, qui s’élèvent, depuis six années seulement, à plus de 176,000,000 fr., et, d’un autre côté, l’accroissement simultané et réciproque de nos emprunts par nos dépenses, de nos dépenses par nos emprunts, il reste malheureusement démontré que notre système financier est le plus fâcheux qu’on ait pu choisir, et que ce serait une folie de ranger parmi nos charges temporaires les 319,000,000 fr. qui figurent dans notre budget pour le service de la dette et des pensions.

À la vérité, certains économistes, dont l’esprit complaisant se plaît à découvrir un côté heureux dans nos plus évidentes misères, prétendent que ce sera un malheur pour les États-Unis de n’avoir pas de créanciers, attendu que les dettes publiques intéressent un plus grand nombre de familles à l’ordre social. Plaisante manière d’attacher les gens à l’ordre social, par le désordre des finances et du gouvernement ! Cette invention ressemble un peu au corset que les membres d’une secte contemporaine font lacer, dit-on, derrière leurs épaules. Savez-vous pourquoi ? Pour rappeler à chacun qu’il a besoin de son frère, et que son frère a besoin de lui. L’intention symbolique du corset vaut assurément l’utilité sociale de la dette.

D’autres esprits plus sérieux sont trop disposés à ne voir dans l’usage illimité des emprunts qu’une occasion de faire baisser l’intérêt de l’argent, en accroissant par la création des nouveaux titres conférés aux créanciers de l’état la masse des valeurs en circulation, et, à conclure de cette baisse de l’intérêt que le crédit des particuliers s’accroît avec le crédit public. On pourrait leur répondre : 1o Que le crédit public, quand il est renforcé par des monopoles,