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REVUE DES DEUX MONDES.

LA GOUVERNANTE.

C’était un vrai Triboulet.

ELSBETH.

Je n’en sais rien ; mais c’était un diamant d’esprit.

LA GOUVERNANTE.

Voilà des pages qui vont et viennent ; je crois que le prince ne va pas tarder à se montrer ; il faudrait retourner au palais, pour vous habiller.

ELSBETH.

Je t’en supplie, laisse-moi un quart d’heure encore ; va préparer ce qu’il me faut ; hélas ! ma chère, je n’ai plus long-temps à rêver.

LA GOUVERNANTE.

Seigneur, est-il possible que ce mariage se fasse, s’il vous déplaît ? Un père sacrifier sa fille ! le roi serait un véritable Jephté, s’il le faisait.

ELSBETH.

Ne dis pas de mal de mon père ; va, ma chère, prépare ce qu’il me faut.

(La gouvernante sort).
ELSBETH seule.

Il me semble qu’il y a quelqu’un derrière ces bosquets. Est-ce le fantôme de mon pauvre bouffon que j’aperçois dans ces bluets, assis sur la prairie. Répondez-moi ; qui êtes-vous ? que faites-vous là, à cueillir ces fleurs ?

(Elle s’avance vers un tertre.)
FANTASIO, assis, vêtu en bouffon, avec une bosse et une perruque.

Je suis un brave cueilleur de fleurs, qui souhaite le bonjour à vos beaux yeux.

ELSBETH.

Que signifie cet accoutrement ? qui êtes-vous pour venir parodier sous cette large perruque un homme que j’ai aimé ? Êtes-vous écolier en bouffonnerie ?

FANTASIO.

Plaise à votre altesse sérénissime, je suis le nouveau bouffon du roi ; le majordome m’a reçu favorablement ; je suis présenté au valet de chambre ; les marmitons me protègent depuis hier au soir, et je cueille modestement des fleurs en attendant qu’il me vienne de l’esprit.