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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

recherché l’alliance d’Athènes ; ils montrèrent que la république pouvait les accepter pour amis et alliés sans rompre ses traités avec les Lacédémoniens, puisque Corcyre n’était l’alliée ni de Corinthe ni de Lacédémone. En terminant, ils posèrent ainsi la question : Il est en Grèce trois puissances maritimes, la vôtre, la nôtre, celle des Corinthiens ; votre intérêt est de confondre les forces de Corcyre avec les vôtres contre Corinthe et le Péloponèse. Les Corinthiens, dans leur discours, traitèrent Corcyre avec indignation et mépris : ils rappelèrent ses injustices et ses impiétés envers la métropole ; ils revendiquèrent le droit qui leur appartenait de châtier des sujets rebelles. Ne vous laissez pas entraîner, dirent-ils encore aux Athéniens, par l’offre d’une marine considérable : mieux vaut la justice pour assurer la puissance que des avantages éphémères qu’il faut acheter au prix de mille dangers. Les Athéniens se décidèrent en faveur de Corcyre, et contractèrent avec elle une alliance défensive contre ceux qui attaqueraient Corcyre, Athènes ou quelques-uns de leurs alliés. C’était au fond accepter la guerre avec le Péloponèse, mais ils ne purent résister à l’appât d’une flotte puissante qui venait s’offrir à eux. D’ailleurs l’île de Corcyre leur paraissait commodément située, sur la route de l’Italie et de la Sicile.

Désormais Sparte et Athènes seront irréconciliables ; et la guerre de Corcyre et de Corinthe ne sera que le prélude de celle qu’elles se réserveront. Les mécontentemens s’aigrissent et se multiplient : on se plaignait à Corinthe de ce que les Athéniens assiégeaient Potidée, colonie corinthienne, où se trouvaient des Corinthiens et des Péloponésiens ; on se plaignait à Athènes des peuples du Péloponèse qui avaient excité à la révolte une ville tributaire de la république. Les Corinthiens convoquèrent à Lacédémone les alliés ; les Lacédémoniens tinrent leur conseil ordinaire, et invitèrent à s’expliquer devant eux tous ceux qui avaient à se plaindre des Athéniens. Les députés de Corinthe parlèrent les derniers.

Pourquoi Thucydide a-t-il mis de si nombreuses harangues dans la bouche des acteurs de son histoire ? Il a profité des mœurs et des habitudes de ses contemporains pour atteindre la vérité au prix de toutes les ressources et de toutes les industries de l’art. Les anciens parlaient beaucoup dans la gestion de leurs affaires ;