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ses foyers et assise sur ses fondemens, envoyant hors de son sein des colonies, l’établissement des tyrannies concourant avec l’accroissement des prospérités matérielles, ces mêmes tyrannies dissipées par des progrès ultérieurs de la civilisation, la puissance de Lacédémone fondée par les Doriens, l’émulation d’Athènes, qui bat les Mèdes à Marathon, la rivalité naissante des deux républiques, leur courte union, l’égalité de leurs forces et de leur gloire qui les met en présence et devient la vraie cause de la guerre, forment comme une espèce de prologue. L’action commence par les dissensions de Corcyre et de Corinthe : Épidamne, ville située à droite en entrant dans le golfe Ionique, et colonie des Corcyréens, était désolée tant par des divisions intestines que par les expéditions que faisaient contre eux un grand nombre de citoyens bannis qui avaient été chercher l’appui des barbares ; la colonie s’était adressée à la métropole afin qu’on la réconciliât avec les exilés, et qu’on mît fin à la guerre ; mais Corcyre avait rejeté leurs prières. Les Épidamniens embarrassés envoyèrent à Delphes consulter le dieu, qui leur répondit de donner leur ville aux Corinthiens, et de se soumettre à leur commandement. Ils obéirent, et remirent la colonie aux Corinthiens, en représentant qu’elle avait eu pour fondateur un citoyen de Corinthe, et en faisant connaître l’oracle auquel ils se conformaient. Corinthe, qui prétendait depuis long-temps que cette colonie ne lui appartenait pas moins qu’à Corcyre, et depuis long-temps aussi aigrie contre Corcyre, qui la négligeait et ne lui rendait plus les honneurs auxquels elle avait droit comme métropole, reçut Épidamne sous sa protection. Les Corcyréens, apprenant que des troupes et de nouveaux habitans partis de Corinthe se dirigeaient vers Épidamne, s’irritèrent, et la guerre éclata entre Corcyre et Corinthe. Corcyre remporta d’abord quelques avantages, qui provoquèrent chez les Corinthiens de puissans préparatifs : Corcyre effrayée, et ne se trouvant comprise ni dans les traités des Athéniens ni dans ceux des Lacédémoniens, envoya des députés à Athènes pour en solliciter l’alliance et l’appui. Les Corinthiens, instruits de l’ambassade, en députèrent une autre, et le débat s’ouvrit entre Corcyre et Corinthe devant le peuple d’Athènes. La harangue des Corcyréens fut habile : ils s’excusèrent adroitement de n’avoir pas jusqu’alors