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FANTASIO.

MARINONI.

Est-il vrai, Altesse ?

LE PRINCE.

Ne reste pas pétrifié. Un homme tel que moi ne doit avoir pour ami intime qu’un esprit vaste et entreprenant.

MARINONI.

Une seule chose me paraît s’opposer au dessein de votre Altesse.

LE PRINCE.

Laquelle ?

MARINONI.

L’idée d’un tel travestissement ne pouvait appartenir qu’au prince glorieux qui nous gouverne. Mais si mon gracieux souverain est confondu parmi l’état-major, à qui le roi de Bavière fera-t-il les honneurs d’un festin splendide qui doit avoir lieu dans la galerie ?

LE PRINCE.

Tu as raison ; si je me déguise, il faut que quelqu’un prenne ma place. Cela est impossible, Marinoni ; je n’avais pas pensé à cela.

MARINONI.

Pourquoi impossible, Altesse ?

LE PRINCE.

Je puis bien abaisser la dignité princière jusqu’au grade de colonel ; mais comment peux-tu croire que je consentirais à élever jusqu’à mon rang un homme quelconque ? Penses-tu d’ailleurs que mon futur beau-père me le pardonnerait ?

MARINONI.

Le roi passe pour un homme de beaucoup de sens et d’esprit, avec une humeur agréable.

LE PRINCE.

Ah ! ce n’est pas sans peine que je renonce à mon projet. Pénétrer dans cette cour nouvelle sans faste et sans bruit, observer tout, approcher de la princesse sous un faux nom, et peut-être m’en faire aimer ! — Oh ! je m’égare ; cela est impossible. Marinoni, mon ami, essaie mon habit de cérémonie ; je ne saurais y résister.