Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/501

Cette page a été validée par deux contributeurs.
489
DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

ment que l’église avait établi au profit des sens, bien que conçu sous une forme qui flétrissait tout acte de la sensualité et consacrait la superbe usurpation de l’esprit. — Il t’est permis d’écouter les battemens de ton cœur et d’embrasser une jolie fille ; mais nous t’obligeons à reconnaître que c’est un péché abominable, un péché pour lequel tu feras pénitence. — Que ce péché et d’autres pussent être rachetés par de l’argent, c’était une pensée aussi bienfaisante pour l’humanité que profitable à l’église. L’église faisait payer rançon, pour ainsi dire, à chaque jouissance charnelle, et il en advint une taxe pour toutes sortes de péchés. Il y eut de religieux colporteurs qui offraient dans le pays, au nom de la sainte église romaine, des indulgences d’après le tarif de tous les péchés taxables. Tetzel, l’un de ces colporteurs, fut celui contre lequel s’éleva d’abord Luther. Nos historiens disent que cette protestation contre le trafic des indulgences fut une circonstance peu importante, et que ce ne fut que poussé par la raideur de Rome, que Luther, qui ne s’élevait d’abord que contre un abus, attaqua l’autorité de l’église à son sommet le plus culminant. Mais c’est encore là une erreur : le trafic des indulgences n’était pas un abus ; c’était une conséquence de tout le système de l’église ; en l’attaquant, Luther attaqua l’église, et l’église dut le condamner comme hérétique. Léon x, ce superbe Florentin, l’élève de Politien, l’ami de Raphaël, ce philosophe grec, couronné de la tiare que lui conféra le conclave, peut-être parce qu’il souffrait d’une maladie qui n’était assurément pas le produit de l’abstinence chrétienne, et qui était alors encore très dangereuse, Léon de Médicis dut bien rire de ce pauvre, simple et chaste moine, qui s’imaginait que l’Évangile était la charte du christianisme, et que cette charte devait être une vérité ! Il n’a peut-être jamais deviné ce que voulait Luther, tant il était occupé de la construction de l’église Saint-Pierre, dont le trafic d’indulgences faisait les frais, si bien que le péché procura l’argent à l’aide duquel on éleva cette église, qui devint ainsi un monument des extravagances sensuelles, comme la pyramide de Rhodope, qu’une fille de joie égyptienne éleva avec le produit de ses prostitutions. On pourrait dire de cette maison de Dieu, ce qu’on dit de la cathédrale de Cologne, qu’elle a été bâtie par le diable. Le triomphe du spiritualisme, qui faisait bâtir le