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REVUE DES DEUX MONDES.

Ou la teindre de sang, comme un fer redouté,
Aux mains de la patrie et de la liberté ;
Quand le cœur est sans foi, que faire de la vie ?
Alors, alors il faut la barbouiller de lie,
La masquer de haillons, la couvrir d’oripeaux,
Comme un ivrogne mort, l’enfouir dans les pots ;
Il faut l’user enfin à force de luxure,
Jusqu’au jour où la mort, passant par aventure,
Et la trouvant vaincue et courbée à moitié,
Dans le fossé commun la poussera du pied.

ii.

Ainsi du haut des tours les cloches ébranlées,
Battant l’air sourdement de leurs pleines volées,
Sur la ville frivole et sans dévotion
Ont beau répandre encor de la religion,
Les cierges allumés ont beau luire à l’église ;
Et sur l’autel de pierre et sur la dalle grise
Le prêtre a beau frapper de son front pénitent,
Au culte des chrétiens on vit indifférent,
Mais non pas à l’ennui ! Toute face tournée
Vers ce triste démon à la main décharnée,
Craint toujours de sentir le monstre un seul moment
Lui donner son baiser de glace, isolément,
Et chacun de le fuir, et de suivre à la trace
La moindre occasion qui traverse et qui passe,
Le tumulte en la rue, et le rire banal
De l’antique Saturne, aux jours du carnaval.

— Cependant ce n’est plus seulement la folie,
La misère du peuple avec un peu de lie,
Des malheureux payés le long des boulevards,
Poussant des hurlemens sous des masques blafards ;