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de se rétracter sans forfaire à l’honneur politique. Le vieux parti tory, diminué qu’il était de force et de nombre, leur devint même plus hostile qu’il ne l’avait été à leur prédécesseur. Ses assauts irritèrent le tempérament froid de Peel, et excitèrent le duc de Wellington à les repousser comme un soldat le pistolet au poing. Brougham ne prit pas une part très éclatante dans la discussion des catholiques ; mais son ancienne activité reparut quand il fallut s’opposer aux ministres sur la question du bourg d’East-Retford. Les électeurs de ce bourg avaient été achetés, suivant la coutume singulière du système de représentation anglaise, qui fait de la corruption et de la brigue les agens ordinaires de l’élection, et qui cependant les punit comme des crimes infâmes lorsqu’ils sont prouvés, attachant ainsi la honte, non point à la corruption elle-même, mais seulement à celle qui se laisse découvrir.

On proposa de les priver de leurs privilèges, et de transférer leurs droits à la cité populeuse de Birmingham. Les ministres s’y refusèrent ; et Brougham, en dénonçant leur opposition, prédit l’importance que la question de la réforme parlementaire allait acquérir incessamment aux yeux de la nation.

La mort de Georges iv en juin 1830 plaça la couronne sur la tête d’un prince qui, dans des circonstances précédentes, s’était cru personnellement offensé par le duc de Wellington. Mais cette difficulté ne fut rien en comparaison de celles que les événemens accumulèrent bientôt sous les pas du ministère. Quelques semaines après éclata la révolution de juillet, si peu attendue en Angleterre, que le 23 de ce mois, comme Brougham l’a plus tard rappelé ironiquement, le secrétaire des affaires étrangères félicitait le pays de l’état tranquille de l’Europe.

Avec elle survint un changement soudain dans le caractère national, et une inquiétude qui parcourut toute la société anglaise. Le nouveau parlement s’assembla en octobre, et le ministère Wellington fut assailli par les libéraux triomphans, augmentés d’une levée toute nouvelle de radicaux anglais et de catholiques irlandais. En même temps les tories irréconciliables de la vieille école se tenaient à l’écart, et préféraient s’ensevelir dans les ruines mêmes de leurs noms plutôt que de secourir ceux qu’ils regardaient comme apostats.