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viter un éclat. Le duc de Wellington et lord Castelreagh eurent de longues conférences avec MM. Brougham et Denman (aujourd’hui chief-justice de la cour du banc du roi), agens de la reine. Elle offrit de retourner sur le continent, si on voulait reconnaître publiquement son innocence, soit en insérant son nom dans la liturgie, soit en lui permettant d’être reçue dans une cour étrangère avec les honneurs dus à une reine régnante. Les deux demandes furent refusées ; la négociation fut abandonnée, et le procès commença ; les ministres lurent à la chambre des lords un bill de pénalité dirigé contre la reine ; c’est à ce bill que ses avocats furent chargés de répondre.

Dans la défense de la reine, Brougham déploya toutes les ressources naturelles et acquises de son talent, l’énergie singulière de son intelligence et de sa voix, la puissance sans égale de son sarcasme, et les ressorts pathétiques de son éloquence. Il faut surtout signaler à cette occasion sa première argumentation (17 août) contre le principe du bill, et ses observations sur les preuves produites contre sa cliente (3 octobre). La péroraison de ce dernier morceau est citée comme le chef d’œuvre de son éloquence. La troisième lecture du bill fut emportée, comme on le sait, par une faible majorité (108 contre 99), et le gouvernement ne voulut pas courir le risque de demander la ratification de la chambre des communes. Les amis de la reine triomphaient. Mais le dégoût produit par la vulgaire inconvenance des scènes du procès, et surtout la répugnance de l’aristocratie pour les démonstrations violentes des basses classes en faveur de l’accusée, détachèrent de sa cause toute la partie influente de la société anglaise. Le jour où elle gagna son procès, elle vit diminuer le nombre de ses partisans, Elle mourut deux années après, épuisée par les ravages que l’inquiétude et le désappointement avaient produits sur son caractère irritable.

Dans la même année 1822, la mort de lord Castelreagh et l’avènement de M. Canning, qui lui succéda comme ministre des relations extérieures, donnèrent, pour la première fois, à la politique anglaise cette tendance libérale qui depuis s’est développée de jour en jour. Cependant l’entrée de Canning au ministère à