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série des articles que Brougham a fournis à la Revue d’Édimbourg sur tous les sujets imaginables qui convenaient à l’extrême souplesse de son intelligence. Ils n’égalent pas en éclat ceux de quelques autres rédacteurs. On n’y trouve ni cette concision, ni cette netteté de style sans lesquelles il n’y a pas de perfection dans ce genre de travaux. Ceux qui traitent de sujets politiques sont, comme les autres pamphlets, riches en assertions hardies, en rudes argumens, pauvres de pensées originales et d’aperçus neufs. Leur principal mérite est d’être solides et sensés, toutes les fois que le sujet lui fournit l’occasion de déployer son talent sans égal pour le sarcasme et l’invective.

Il est certain qu’à cette époque les opinions politiques de lord Brougham, quoique opposées au sentiment dominant du parti qui avait alors le gouvernement, n’étaient pas aussi décidément démocratiques qu’elles le sont devenues depuis que l’arbre de la liberté a poussé des branches plus rigoureuses. En 1803, il publia son livre sur la politique des colonies, ouvrage où il a montré plus d’habileté que de logique rigoureuse ou de profondeur de pensée. Ce livre a souvent fourni le sujet d’ardentes invectives à ses ennemis, à cause des principes qu’il renferme sur l’esclavage. Ces principes, en effet, sont très différens de ceux qui ont été soutenus depuis par ce zélé défenseur des droits des nègres. Quelquefois, je le sais, il n’y a pas d’argument plus victorieux que la comparaison des sentimens d’un même homme à différentes époques de sa vie ; mais combien une telle comparaison ne devient-elle pas ridicule quand ce qui peut être appelé volontiers le début académique d’un jeune homme de vingt-quatre ans, est invoqué comme le critérium souverain des sentimens de l’homme d’état expérimenté !

En 1804, Brougham vint à Londres, et trois ou quatre ans plus tard fut reçu membre du barreau anglais. Il suffira de jeter un rapide regard sur sa carrière d’avocat. Ce n’est certainement pas à cette phase de sa vie qu’il doit ses succès et sa célébrité. À l’exception de l’éloquence, on ne peut pas dire qu’il possédât aucune des qualités principales de sa profession. Sa connaissance des lois anglaises, dont les détails minutieux exigent, pour être bien compris, une perpétuelle activité d’intelligence, était, comme on peut facilement le supposer, fort incomplète. Il avait aussi très peu de