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REVUE DES DEUX MONDES.

Messieurs,

Ce que j’ai résolu d’exposer devant vous, c’est l’histoire de la littérature française comparée aux autres littératures.

Je ne m’arrêterai pas à vous rappeler les conditions d’une bonne histoire littéraire ; j’ai traité ce sujet dans un discours prononcé il y a quatre ans à l’Athénée de Marseille, et qui a été publié. D’ailleurs une portion de ces généralités n’aurait plus rien de nouveau pour personne ; qui doute, aujourd’hui, que l’histoire d’une littérature doive marcher de front avec celle de la civilisation qui l’a produite ; qu’on ne puisse arriver à l’intelligence complète des monumens littéraires que par la connaissance approfondie des langues dans lesquelles ces monumens existent, des arts, des mœurs, de la vie sociale et politique propres à la nation à laquelle ils appartiennent ? Dès-lors M. Villemain, qui a fondé parmi nous avec tant d’éclat l’enseignement historique des lettres, en avait donné l’exemple dans ses belles leçons. Après cet exemple, après que M. Fauriel nous a offert de si parfaits modèles d’une investigation profonde, en appliquant à quelques points obscurs et décisifs de l’histoire littéraire toutes les ressources de la science la plus habile et la plus sévère, il n’est pas besoin de revenir sur des principes généralement admis ; ce qu’il me reste à faire, c’est d’en reprendre quelques-uns, qui me paraissent d’une importance capitale, et d’en montrer l’application au sujet que m’a imposé le nom même de cette chaire, à la littérature française.

D’abord, une histoire de la littérature française doit être complète.

Or, une littérature, c’est un univers bien vaste et bien varié. La vie humaine est là tout entière, et la littérature n’est pas seulement, comme on l’a dit, l’expression de la société, elle en est aussi l’ame et l’instrument. Elle n’est pas seulement le miroir qui la réfléchit, mais l’aiguillon qui la presse, le souffle qui l’anime ou l’embrase. Elle prend mille formes, elle contient mille genres, elle a mille noms. Foi, doute, politique, philosophie, folie ou sagesse se traduisent par elle, et c’est elle aussi qui provoque toutes ces choses, les suscite, les développe, les propage. Elle fonde ou détruit, distrait ou console, égare ou dirige. Les livres font les époques et les