Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/419

Cette page a été validée par deux contributeurs.
407
LITTÉRATURE FRANÇAISE.

nous puissions offrir à la mémoire de M. Andrieux, celui que goûterait le plus son ame si bienveillante à la jeunesse. Que pourrais-je ajouter en effet que vous ne sachiez aussi bien que moi ? Le pays connaît sa vie, sa probité politique, la constante indépendance de son caractère, et honora toujours en lui le digne ami de l’inflexible Ducis. Sa renommée dramatique fait partie de la gloire de notre scène ; il a charmé dans le conte après Voltaire. Pour son enseignement, si moral et si ingénieux, si paternel et si populaire, puis-je faire autre chose que de vous renvoyer à vos propres souvenirs ? C’est là que vous retrouverez avec délices ce mélange de savoir et de goût, de malice et de bonhomie, d’autorité douce et d’aimable familiarité qui faisait de son cours quelque chose à part de tout, à quoi rien ne peut ressembler, et qu’il faut désespérer d’imiter. Aussi n’en aurai-je point la prétention. Je croirais manquer de respect envers la mémoire de M. Andrieux, et offenser votre admiration pour lui, si j’essayais de le recommencer. Je croirais aussi tromper l’intention de ceux qui m’ont choisi, et l’attente de cette jeune portion du public dont les fraternels encouragemens et la bienveillante assiduité ont soutenu mes premiers efforts. Jeune moi-même, et appelé à revêtir le sacerdoce de l’enseignement, je sens les obligations qu’il m’impose, et je comprends mes devoirs envers la génération à laquelle j’appartiens. Mettant donc dès aujourd’hui la main à une œuvre pour laquelle j’ai besoin de beaucoup d’années, je vais vous exposer, messieurs, les principes de la méthode que je compte appliquer à l’étude de notre littérature. Mais, avant tout, j’éprouve le besoin de rendre grace à ceux qui m’ont ouvert cette enceinte, en deuil de tant de gloire ancienne, parée de tant d’éclat récent. De cette chaire, terme suprême de mon ambition, et dont l’indépendance est inviolable, j’adresse sans nul embarras le témoignage d’une libre gratitude aux savans célèbres qui m’ont accordé leurs suffrages, et aussi à l’historien éminent dont le choix a confirmé le leur. Ce devoir rempli, je ne trouve plus à ajouter que ces paroles déjà connues de ceux qui m’ont admis à l’honneur d’être leur collègue : appelé à trente-trois ans à m’asseoir entre mes maîtres et mes émules et aux côtés de mon père, je m’efforcerai de ne me montrer indigne ni d’eux ni de lui.