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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

l’usage d’une langue figurée, d’un argot et de signes convenus. L’histoire des Albigeois et Vaudois en France, écrite par Pierre de Vaucernay, moine de Citeaux et contemporain, ne donne non plus aucun renseignement sur ce fait.

Quoi qu’il en soit, M. Rossetti croit reconnaître qu’à la secte anti-papiste des Patarini a succédé ou s’est mêlée celle des Gibelins ; que les signes conventionnels, par le geste, la parole et l’écriture, ont été transmis par les premiers aux seconds ; et qu’enfin le fond de cette langue figurée, de cet argot, qui était employé également par les chevaliers du Temple, tire son origine du livre de l’Apocalypse. Faute de pouvoir rapporter ici des citations trop longues et trop nombreuses, on ne donnera qu’un échantillon du vocabulaire commun au visionnaire de Pathmos et au grand poète gibelin Dante. Ainsi, l’enfer des vivans veut dire le monde corrompu par la direction des papes ; Béatrice, Laure, Fiametta et tant d’autres femmes imaginaires sont la personnification de la puissance impériale, de la monarchie environnée de toutes les vertus et de tous les bienfaits. La Rome des papes est tour à tour la louve, Babylone, la grande prostituée ; le loup, le guelfe, mot qui vient du saxon wolf, Satan, Lucifer, etc., sont les noms donnés au pape, et par lesquels il est désigné. L’empereur est ordinairement indiqué par la figure d’un levrier. La mort et la vie, deux expressions que l’on rencontre sans cesse dans tous les écrits des poètes éroto-platoniques, et dont on a ordinairement beaucoup de peine à saisir l’acception dans leurs vers, indiquent, en argot gibelin, le premier, le papisme, et le second, la puissance impériale. Ainsi, lorsque Dante dit que le levrier, héritier de l’aigle, viendra au secours de l’Italie et punira la louve, selon M. Rossetti, qu’il est assez difficile de contredire en cette occasion, cela signifie : L’empereur viendra au secours de l’Italie, et punira la Rome papale.

Je ne prétends pas affirmer que toutes les explications données par M. Rossetti sur le texte de Dante soient aussi précises que celle que je viens de citer ; j’ai voulu en faire connaître d’abord la nature et l’esprit par des exemples simples et bien caractérisés. Mais il n’y a encore, dans ce qui vient d’être exposé de la langue conventionnelle de Dante et des poètes ses contemporains et élèves, que ce qui est emblématique, apocalyptique ; et il est important