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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

surtout, sont inintelligibles pour nous, soit qu’on les étudie dans leurs détails, soit qu’on en cherche le but final.

Quoique l’intention véritable de Pétrarque ne soit pas toujours facile à saisir dans ses ouvrages italiens, quoiqu’elle soit restée en grande partie ensevelie dans l’obscurité dont il a volontairement enveloppé son poème de l’Afrique et particulièrement ses églogues latines, cependant on suit, sans trop de peine, dans ces dernières productions, les allusions qu’il fait sans cesse aux excès et aux injustices reprochées à la cour des papes de son temps ; mais les écrits de Dante, ainsi que plusieurs de ceux qu’a composés Boccace, sont loin d’être aussi clairs.

Tous les commentateurs de Dante en particulier, depuis lui jusqu’à nos jours, reconnaissent qu’il n’y a rien de certain encore dans les découvertes que l’on prétend avoir faites du plan allégorique des Trois Règnes, pas plus que des explications que l’on a données d’une foule de pensées et de vers étranges qui se rencontrent à chaque page dans ces singuliers poèmes. L’un des plus savans appréciateurs des écrits d’Alighieri, le chanoine Dionisi, avouait à la fin du siècle dernier que le sens interne, mystique, que ce qu’il y a de plus précieux dans le livre enfin, reste encore comme un trésor caché qu’il faut s’efforcer de découvrir ; et en 1827, Quirico Viviani, en donnant une édition annotée du manuscrit Bartolini, de Dante, dit que pour dérouler le voile allégorique tissu par ce poète, il faudrait s’oublier soi-même ainsi que la civilisation dans laquelle nous vivons ; qu’il serait nécessaire de s’identifier avec le siècle de l’auteur, de devenir Guelfe et Gibelin passionné, et de ressentir tour à tour la haine et l’amour du poète, afin de familiariser son imagination avec les images et les inventions même les plus extravagantes dont il s’est servi pour exprimer ses opinions et sa doctrine.

Enfin M. Rossetti s’est tenu pour dit ce que tous les hommes qui ont sérieusement étudié les écrits de Dante savent très bien, que, si les beautés poétiques de ses ouvrages, prises à part et isolément, ravissent en admiration le lecteur, personne jusqu’ici n’a pu découvrir, dans l’ensemble des écrits du Florentin, d’où il part et où il veut arriver, et que fort souvent même on ne sait pas par où il passe.