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Dans une suite de chapitres dont les nombreux et intéressans détails rendent l’analyse impraticable, M. Rossetti, après avoir jeté un coup d’œil historique sur le siècle de Dante, avance et démontre assez clairement que dans la Divine Comédie le sens est double, positif et allégorique ; que le langage y est presque toujours à double entente ; que par le mot d’enfer il faut toujours entendre le monde conduit par les papes, par Satan le pontife même ; et qu’en somme la composition des trois cantiques a pour objet le développement d’une grande opinion politique, par laquelle on exprimait le désir de renverser le papisme en Italie, et d’établir dans ce pays, et par suite dans tout le monde civilisé, la monarchie universelle dans la personne d’un empereur et souverain pontife.

Si nouvelle et si bizarre même que puisse paraître cette idée à ceux qui sont complètement étrangers à l’histoire et à la littérature de l’Italie, il faut bien se persuader néanmoins que, pendant trois siècles, elle a été l’occasion des querelles et des guerres entre les Guelfes, ou papistes, et les Gibelins, qui soutenaient les droits de l’empire ; que Dante Alighieri a certainement été le plus opiniâtre des hommes de ce dernier parti, et que non-seulement il a présenté son avis sur ce sujet d’une manière implicite dans ses poèmes, mais qu’il l’a exprimé tout-à-fait ouvertement dans un ouvrage latin intitulé De Monarchia, où il s’est efforcé de prouver que la puissance impériale ne relève point du pape, mais de Dieu seul.

Après avoir établi tous ces faits, dont il est assez difficile de se dissimuler l’évidence, l’auteur, revenant sur l’usage immémorial du langage apocalyptique employé par les grands philosophes de l’antiquité, par les prophètes, les sibylles, Virgile lui-même et le visionnaire saint Jean, pour tromper la vigilance du pouvoir régnant et répandre, sous le voile de l’apologue et d’un langage conventionnel, des vérités importantes à l’amélioration et au bonheur de l’humanité, lie cet usage antique aux habitudes analogues que l’on prit parmi les premiers chrétiens, du moment où les vicaires du Christ commencèrent, par leur conduite plus ou moins coupable, à attirer sur eux et sur l’église l’animadversion et la haine des fidèles. Il signale comme l’époque où l’on se servit régulièrement d’un langage et de signes convenus, où il se forma une secte anti-