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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

effet, les textes sur lesquels l’auteur appuie ses raisonnemens, dans lesquels il va chercher ses preuves, perdraient toute leur force et leur importance, si on les faisait passer sous le joug d’un autre idiome. Et cependant, quel que soit le sort futur de l’opinion de M. Rossetti sur Dante et sur toute son école, elle est présentée sous un jour si inattendu et défendue avec tant d’érudition et de bonne foi littéraire, qu’elle nous semble mériter d’être connue en France de tous les hommes qui prennent intérêt aux hautes spéculations de l’esprit. Pour suppléer donc, autant qu’il est possible, à une traduction qui ne l’est pas, nous donnerons, avant d’entrer dans le détail de la discussion, une idée sommaire de quelques chapitres et du plan de l’ouvrage.

Mais avant tout, il faut savoir que M. G. Rossetti, sincère catholique, comme il en fait profession hautement dans son livre, a été amené par une pente si douce, en étudiant Dante, ses contemporains et ses élèves, à reconnaître que ces écrivains avaient eu pour but unique, dans leurs compositions, de combattre le chef de l’église, qu’il en a été en quelque sorte atterré lorsqu’une lecture et des études plus fréquentes et plus attentives ne lui permirent plus d’en douter. Aussi M. Rossetti, en trouvant tout naturel et juste même que personne ne veuille prendre la peine de lire son livre, comme ne renfermant que des extravagances, s’écrie-t-il : « Et en effet, quand je sonde ma conscience, dois-je me plaindre de ce mépris ? Si, il y a huit ans, quelqu’un m’eût dit, à moi professeur de littérature italienne : Tu ne comprends pas un mot aux ouvrages de Dante et de Pétrarque, j’eusse souri de pitié. Et si enfin on m’eût conseillé de lire l’ouvrage que je présente, j’aurais tourné le dos au livre et à celui qui me l’aurait offert. Je ne m’étonne donc pas de ce que beaucoup de personnes agissent de la sorte à mon égard. » C’est avec cette conviction en ses propres opinions, et d’autre part avec cette appréhension du public, que M. Rossetti publia à Londres, il y a quelques années, un commentaire analytique de la Divine Comédie de Dante, où, comme il l’avoue lui-même, il n’osa pas dévoiler complètement les véritables intentions du poète, par respect pour l’église romaine. Ce commentaire dont il ne parut qu’une faible partie, non-seulement n’eut point de succès, mais devint même l’objet de critiques iro-