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REVUE. — CHRONIQUE.

nous tenons à conserver ce cher ministère dont il fait partie, il faudra nous décider à ouvrir un léger emprunt de soixante-dix millions, ce qui porte la totalité des demandes financières adressées aux chambres, dans la semaine dernière, à un milliard cent millions quatre-vingt-dix mille cinq cents, etc. Nous ne parlons pas d’un crédit de vingt-cinq millions demandé par le même M. Humann pour le réglement des indemnités accordées aux États-Unis d’Amérique. Nous avons déjà dit, dans nos Lettres sur les hommes d’état de la France, comment cette indemnité avait été fixée successivement, par trois commissions, à la somme de quinze millions, et élevée par M. Sébastiani, de son autorité privée, à vingt-cinq millions. On a hésité quelque temps à porter aux chambres ce traité, et il était question de l’enfouir dans les cartons jusqu’à l’année prochaine. Quelqu’un aura sans doute judicieusement fait observer que ce petit brûlot de vingt-cinq millions passerait inaperçu entre le gros milliard qui cinglait majestueusement vers la chambre, sous le pavillon ministériel, et qu’on pouvait le lancer impunément. En effet, personne n’a daigné tourner la tête pour le voir venir.

On sait quelle longue guerre ont soutenue l’un contre l’autre, dans le conseil, le maréchal Soult et le ministre des finances. On sait que le maréchal Soult, s’inquiétant fort peu de la quotité des crédits qui lui ont été alloués par la chambre, les a dépassés sans aucune mesure, en disant qu’il se f… bien de pareilles misères, et qu’il ne connaît rien quand il s’agit de former une armée à la France. Il faut bien en prendre son parti. Le maréchal est un homme de l’empire : il ne comprend rien, il ne veut rien comprendre au gouvernement constitutionnel, et de ce côté il mourra dans l’impénitence finale, comme il le disait, il y a peu de jours, du haut de la tribune, à M. Larabit, qui lui reprochait une illégalité d’un autre genre, celle de l’introduction des lieutenans d’artillerie de marine dans l’armée de terre. Le maréchal n’a-t-il pas refusé dernièrement d’ordonnancer le paiement des pensions accordées par les chambres aux anciens gardes-françaises qui ont marché contre la Bastille, en disant que ce fut un acte d’indiscipline, et qu’il serait dangereux de l’encourager ? On aurait mauvaise grace d’ailleurs à se plaindre de M. le maréchal Soult, quand on marche sans murmurer avec M. de Broglie, qui a déclaré à la chambre qu’il ne reconnaît d’autre loi que la nécessité, et que tout ce qui a été fait depuis 1830 est illégal ; avec M. Thiers, qui soutient à la tribune que le gouvernement a le droit de sortir de la légalité quand il lui plaît, comme il est arrivé lors de l’arrestation de la duchesse de Berry, et avec M. Guizot, le promoteur de l’état de siége. M. le maréchal Soult représente dignement ce ministère, qui s’est placé hors de toutes les con-