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REVUE DES DEUX MONDES.

L’auteur a joint à cet essai un Mémoire sur sa propre vie, sur sa famille et sur sa jeunesse, morceau rempli d’un égoïsme naïf et fort agréable. C’est la causerie la plus piquante que j’aie jamais lue. Je ne connais guère que l’Apologie de Cibber que l’on puisse placer sur le même rang.

Les biographies de John Galt ont été sévèrement critiquées. Dans celle de Benjamin West, peintre célèbre, avec lequel il avait été fort lié, on trouve de la candeur, de la vérité, une indépendance virile d’opinion, un tableau intéressant des premiers efforts de l’artiste, une peinture brillante des jours de sa gloire. Cependant on n’épargna pas à Galt les reproches injustes, et sa Vie de lord Byron fut traitée avec plus de rigueur encore. Les ouvrages publiés depuis, sur le même sujet, ont prouvé que Galt avait commis beaucoup moins d’erreurs qu’on ne l’a prétendu, et que l’auteur de tant de romans remarquables n’a pas échoué dans l’appréciation qu’il nous a donnée du caractère de Byron. L’autobiographie de Galt, publiée récemment, se fait remarquer par une simplicité naïve et forte de langage, et contient beaucoup de faits curieux.


Thomas Moore est auteur de trois biographies bien différentes quant au style et à la pensée. Sa Vie de Sheridan est écrite d’un style libre, brillant, orné, qui contraste étrangement avec la simplicité de Southey, dans sa Vie de Nelson ; mais où se trouvent de beaux élans, des saillies heureuses et des mouvemens passionnés. Moore nous semble avoir assigné une trop belle place à Sheridan, dont l’esprit étincelant était quelquefois artificiel, et auquel on peut reprocher de l’affectation et de l’effort. Trop souvent Sheridan sacrifie le naturel au désir de faire des épigrammes acérées et de montrer de l’esprit.

La Vie de Byron, par le même auteur, a été l’objet de beaucoup de critiques. Le style en est simple quelquefois jusqu’à la nudité. Moore semble avoir répudié son ancienne muse, si brillante, si ornée, si fastueuse ; mais quand on est simple dans son langage, il faut que la vigueur des pensées supplée au défaut des ornemens. On reprocha aussi au biographe d’avoir usé des documens laissés par Byron sur sa propre vie, pour jeter sur le caractère du poète une lueur souvent équivoque et défavorable ; mais la tâche qu’il fallait remplir était difficile. Le poète, dans les derniers temps, s’était mis en hostilité ouverte avec le monde ; il avait outragé sans scrupule les convenances sociales, ou si l’on veut, l’hypocrisie ordinaire. La plupart des opinions qu’il exprimait, et presque toute sa conduite blessaient les opinions et les idées généralement reçues. Toutefois il y a des beautés remarquables dans cet ouvrage. On voit tour à tour lord Byron dans son cabinet d’étude, dans la salle de bal, à table, au milieu de ses brillans amis ; puis nous descendons avec le biographe dans l’intimité de sa