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La révolution de 1830, avant restauré la dignité du peuple, a remis ce peuple à l’école progressive de la science humaine ; depuis trois ans nous assistons à un double spectacle ; les théories ont repris leur cours, leurs expériences, et l’instruction acquise veut devenir universelle ; d’une part, les théoriciens éprouvent des vérités nouvelles ; de l’autre, le peuple acquiert la connaissance des vérités reconnues : deux opérations parallèles, également nécessaires, et qui se soutiennent l’une l’autre. En somme, la dernière révolution n’est qu’une position des problèmes, mais une position invincible. Oui, le peuple en triomphant et en mourant a posé les questions ; quelques-uns se sont entremis pour les embrouiller ; mais qui donc oserait les déplacer ouvertement ?

Aussi l’instruction du peuple est considérée par tous comme un devoir, ou du moins comme une nécessité. Tous les partis politiques parlent au peuple et lui apprennent quelque chose. Une loi sur l’instruction primaire commence à réaliser les grandes pensées de la Convention, très imparfaitement sans doute ; mais enfin on est entraîné par le mouvement révolutionnaire, même en s’efforçant de l’outrager, et l’on est l’imitateur de Condorcet, tout en s’en affichant le contempteur. Cependant toutes les opinions se sont constituées pédagogues du peuple : le catholicisme s’emploie à répandre ce qu’il appelle les bons livres ; le républicanisme dissémine ses enseignemens. Mais voici venir les spéculateurs avec leurs almanachs. Les manuels pleuvent de toutes parts ; nous sommes inondés de livres élémentaires ; c’est un chorus universel et sans fin de leçons, de méthodes et de théories ; tous les esprits sont remués, jusqu’aux plus incultes ; partout on lit, on discute, on raisonne ; fiat lux.

La lumière sortira de ce chaos intelligent : il y a dans les voies de la Providence des méthodes secrètes par lesquelles le bien se trouve séparé du mal, et répand efficacement ses vertus sur la société. Assurément tout ce qu’on offre au peuple n’est pas digne de cette destination sacrée ; on lui sert des choses plates, communes et parfois aigries par des irritations ; mais ce mal inévitable est inférieur au bien qui s’accomplit. La diffusion des connaissances humaines dans les rangs populaires est un évènement dont la bienfaisance compensera largement quelques abus et quelques