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HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DE L’ART.

groupés deux à deux, dans des attitudes variées, et soutenant la corniche comme des cariatides. Entre ces figures il a mis douze prophètes et sibylles, de grandeur colossale, alternativement disposés. Au-dessus des fenêtres, dans les compartimens appelés lunettes, sont quatorze compositions, et un égal nombre de tablettes, portant les noms dont se compose la généalogie du Christ ; et dans les espaces triangulaires que donne l’épaisseur du mur, immédiatement au-dessus des lunettes, l’artiste a placé huit compositions tirées de la vie domestique. Aux quatre coins de la voûte sont représentés le miracle du serpent d’airain, l’exécution d’Aman, la mort de Goliath, et la trahison de Judith. — Il faut ajouter dix médaillons contenant des sujets historiques, et plus de cinquante figures isolées qui servent d’ornement.

La difficulté capitale des sujets que j’ai indiqués, c’est le caractère surnaturel des personnages. Sans doute chaque peintre, selon son génie, pourra écrire avec d’autres lignes, avec d’autres couleurs, ces poèmes dont la Bible nous a donné le scénario. Mais la première loi, la loi souveraine qui doit présider à ces inventions, c’est la simplicité. Or il est impossible de pousser plus loin que Michel-Ange, dans la chapelle Sixtine, la grandeur qui résulte de la simplicité.

Les sujets de la Genèse sont traités avec une naïveté majestueuse, à laquelle je ne puis comparer que les paroles mêmes du Pentateuque. Chacune de ces compositions, individuellement étudiées, offre des attitudes si vraies, des gestes si clairs, qu’on se demande s’il est possible que ces figures aient joué autrement le rôle qui leur est attribué.

L’opinion générale est que Michel-Ange se complaisait exclusivement dans les mouvemens bizarres et tourmentés. La voûte de la chapelle Sixtine répond haut et ferme à ceux qui voudraient faire de cet accident de son talent une accusation contre l’ensemble de ses œuvres. La naissance d’Eve, telle que Michel-Ange nous la représente, n’offre à l’œil que des lignes harmonieuses et douces. Le sacrifice offert à Dieu par Abel et Caïn se distingue par une grace exquise. L’ivresse de Noé, qui semblait naturellement se prêter aux mouvemens désordonnés, est traitée avec une gravité qui défie tous les reproches.