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mais dont l’ardeur s’attiédit. Pour l’Aurore, si c’est elle, sa jeunesse et sa grace pudique suffisent à la révéler.

Misérables niaiseries que tout cela ! Michel-Ange n’a peut-être nommé ces figures que pour insulter aux gloseurs de son temps ; il leur a donné, comme une énigme à résoudre, ce qui, pour lui-même, n’avait pas de sens arrêté. Il a sculpté, selon sa pensée, selon sa libre fantaisie, le marbre qu’il avait sous le ciseau. Pourquoi ces quatre figures plutôt que d’autres ? Je ne sais. Le savait-il lui-même ? Un souvenir, un rêve, en fallait-il davantage pour décider le sexe et l’âge, l’attitude et le geste des figures qu’il voulait ? Et quand il serait prouvé que les deux mausolées de Julien et de Laurent sont vraiment ornés de figures signifiant les quatre parties du jour, où serait l’intention du statuaire ?

Michel-Ange faisait-il allusion à l’éternité de la tristesse florentine ? mais sa réponse au quatrain gravé au-dessous de la Nuit ? Il ne faisait pas de ces deux morts, que le caprice de son ciseau a honorés d’un chef-d’œuvre, une estime bien haute.

Pour moi, je me contente d’admirer et me soucie fort peu de pénétrer le symbole enveloppé sous ce marbre divin.

Le Bacchus et le David, ouvrages de la jeunesse de Michel-Ange, sont une sorte de transition entre ses études et la décision ultérieure de son génie. Une pieta, groupe religieux composé d’une Vierge et d’un Christ, a beaucoup occupé les beaux esprits de son temps. Le Christ mourant a réellement l’âge indiqué par ses biographes, et Marie, au dire des connaisseurs, était trop jeune pour avoir un fils de cet âge. Condivi nous a conservé une longue apologie qu’il tenait de la bouche même de Michel-Ange, et qui expliquerait par la chasteté la jeunesse surnaturelle de Marie. Je ne suis pas très sûr que Michel-Ange fût de bonne foi lorsqu’il se justifiait auprès de Condivi. Le Christ est arrivé en effet à la virilité, mais je ne vois pas pourquoi l’auteur eut pris sérieusement la peine d’autoriser cette fantaisie toute naturelle par un commentaire théologique auquel peut-être il n’avait jamais songé dix minutes avant d’en prononcer le premier mot. Cette pieta est, au reste, un de ses ouvrages les plus achevés.

Un Christ debout auprès de sa croix, dit le Christ aux liens, exécuté pour Antonio Metelli, fournirait aux académies le sujet de