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persane. Tout n’était pas fait cependant pour l’intelligence des ouvrages sur lesquels s’exerçait déjà la critique historique. Les textes n’en étaient pas publiés, la langue en était complètement inconnue ; on ne possédait ni un ouvrage grammatical qui en contînt les élémens, ni un lexique qui fournît le moyen d’en apprendre la terminologie. Un très court vocabulaire zend et pehlvi avait été joint par Anquetil au troisième volume de son Zend Avesta ; mais quoique Paulin de Saint-Barthélemy, aidé de ce vocabulaire, pût déjà soupçonner que le zend appartenait à la même famille que le sanscrit et les idiomes savans de l’Europe, ce fragment, et quelques détails peu précis sur la grammaire zende, consignés par Anquetil dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, formaient tout ce qu’on possédait sur la langue dans laquelle nous ont été conservés les livres de Zoroastre. S’il y avait là de quoi faire naître la curiosité des savans, c’était trop peu pour la satisfaire. Anquetil avait promis une grammaire et un dictionnaire zends ; mais, soit que la mort ait prévenu l’exécution de son dessein, soit qu’il eût peu de goût pour les études purement philologiques, ces travaux ne parurent jamais, et on n’en trouve que de faibles traces parmi les manuscrits d’Anquetil, que M. Silvestre de Sacy déposa, depuis la mort de ce savant, à la Bibliothèque du Roi[1].

« Il ne restait donc à celui qui aurait voulu apprendre la langue zende, lire le texte original des livres de Zoroastre, et le faire connaître à l’Europe d’une manière critique, d’autre secours que la traduction d’Anquetil, et d’autre méthode à suivre que la comparaison attentive de cette traduction avec le texte. On pouvait croire ce travail facile, et il ne faut rien moins qu’une supposition de ce genre pour expliquer pourquoi on n’a pas songé à s’en occuper plus tôt. Les personnes qui voulaient s’ouvrir une route nouvelle dans le vaste champ de la littérature orientale, devaient être plus empressées d’entreprendre l’étude d’idiomes encore peu connus, que l’interprétation d’un texte qu’il était permis de regarder comme traduit, et le déchiffrement d’une langue dont tous les monumens existans en Europe étaient publiés en français. Il faut convenir d’ailleurs que tout devait confirmer les savans dans l’opinion qu’il ne restait presque rien à faire après Anquetil : son dévouement à des études qu’il aimait et dont il avait dû atteindre le terme ; tant de soins bien faits pour porter leurs fruits ; une confiance qui ne pouvait naître que de la certitude du succès, et qui devait être partagée par le lecteur ; enfin cette bonne foi dont l’expression est aussi naturelle au vrai savoir, que l’imitation en est difficile au charlatanisme. Aussi éprouvai-je une surprise que les personnes accoutumées aux recherches philologiques concevront sans peine, lorsque, comparant pour la première fois la traduction d’Anquetil au texte original, je m’aperçus que l’une était d’un faible secours pour l’intelligence de l’autre. Un examen

  1. On trouve l’indication des travaux philologiques qu’Anquetil se proposait de faire, dans le tome xxxi, pag. 432 des Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et dans le tome ii du Zend Avesta.