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REVUE. — CHRONIQUE.

place et les dessine nettement aujourd’hui, au milieu de l’opposition plus vive qui prévoit et désire une autre forme de gouvernement. Personne n’a donc été surpris de voir les députés de cette nuance aux fêtes du château.

Pour M. le duc d’Orléans, qui ne s’est pas rangé, que nous sachions, dans les rangs de l’opposition anti-dynastique, on paraissait étonné de son brusque départ pour Bruxelles. Un journal avait répandu le bruit qu’une fâcheuse aventure, bien pardonnable à un prince de son âge, une surprise nocturne et la nécessité de laisser calmer la colère d’un mari ou d’un frère offensé, avaient nécessité ce voyage si imprévu. Il n’en est rien, Le héros du drame dont il est question n’est pas le jeune prince. L’honneur et le scandale en reviennent à un certain général de l’empire que ses exploits amoureux ont rendu plus célèbre que ses campagnes, et dont l’âge n’a pas ralenti les ardeurs, si l’on en croit les bruits qui circulent. Pour le duc d’Orléans, d’autres motifs ont, dit-on, causé son éloignement.

On assure que le jeune prince se plaint beaucoup du triste rôle qu’on lui fait jouer, et surtout de la parcimonie avec laquelle on lui distribue chaque mois sa part de la liste civile. On sait que les chambres lui ont alloué un million par an pour les dépenses de sa maison. Il paraît que la liste civile ne lui accorde que 24,000 fr. par mois, et qu’elle retient ainsi à son bénéfice plus de 700,000 fr. sur les revenus du prince. Une remontrance paternelle un peu vive, qui lui fut faite à propos de cette fastueuse loge d’Opéra qu’il a fait décorer récemment, a occasionné une discussion, à la suite de laquelle le prince est parti pour aller passer quelque temps près du roi Léopold. Le roi des Belges n’a sans doute pas entendu sans émotion les doléances de son beau-frère. Le million qu’il attend doit être encore dans les coffres de la liste civile près de celui que réclame le duc d’Orléans, et il sera difficile de les faire sortir de ce trésor qui s’ouvre si souvent pour se grossir, mais rarement pour se diminuer. Toutefois il serait injuste de blâmer un père qui a incontestablement le droit de régler les dépenses de son fils, et il faut reconnaître qu’il y a de la prévoyance à ne pas laisser dans les mains d’un prince de vingt ans une somme aussi considérable qui pourrait l’entraîner dans des excès de dissipation. Mais alors ce serait un devoir pour la liste civile, un devoir exigé par la probité, que de restituer à l’état l’excédant inutile, et de ne pas détourner à son profit une somme de sept cent mille fr. sur un million affecté par les chambres à une dépense toute spéciale. Sept cent mille francs ! c’est plus qu’il ne faut pour suffire aux frais de l’instruction primaire dans quarante départemens, et puisque cette somme est