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composition. Guillen de Berguedan, généreux et noble chevalier, et Pao de Bembibre acquirent chez eux une grande réputation. Moïse March-le-vieux, vaillant et noble chevalier, fit d’assez jolies choses ; il écrivit des proverbes d’une grande moralité. De notre temps fleurit Moïse Jordi, sage chevalier, auteur de choses certainement assez belles, qu’il mettait lui-même en musique, car il était excellent musicien. Il composa la Passion de l’Amour, où il compila beaucoup de bons fragmens anciens de différens poètes. Moïse Febrer a fait des ouvrages remarquables, et on dit qu’il a traduit Dante du florentin en catalan, en suivant exactement le même mètre et les mêmes rimes. Moïse Ausias March, qui vit encore, est un grand troubadour et un homme d’un esprit assez élevé.

« Les diverses formes de vers primitivement employées chez nous se présentent dans le poème d’Alexandre, les Vœux du Paon, les œuvres de l’archiprêtre de Hita, et dans le livre que Lopez de Ayala le vieux a écrit sur les manières de palais. On découvrit ensuite, en Galice et en Portugal, je crois, la mesure du grand vers de douze syllabes[1] et celle du vers commun de huit syllabes[2]. Il n’y a pas de doute que la poésie ne se soit mieux acclimatée dans ces deux royaumes qu’en aucune autre partie de l’Espagne, à tel point qu’il n’y a pas long-temps encore que les troubadours de cette péninsule, fussent-ils castillans, andalous ou de l’Estramadure, composaient tous leurs ouvrages en langue galicienne ou portugaise. Il est même certain que c’est de cette langue que nous avons reçu les termes de l’art.

« Je me souviens, magnifique seigneur, d’avoir vu, étant encore tout petit garçon, chez ma grand’mère Doña Mencia de Cisneros, parmi plusieurs livres un grand volume de poésies portugaises et galiciennes, dont la majeure partie était du roi Denis, de Portugal, votre trisaïeul, je crois. Ceux qui les lisaient en louaient la spirituelle invention et l’expression douce et gracieuse. Il y en avait d’autres de Jean Soarez de Payva, qu’on dit être mort d’amour en Galice pour une infante de Portugal, et de Fernand Gonzalez de

  1. De arte mayor.
  2. De arte comun.