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REVUE DES DEUX MONDES.

jointe à l’original pour les lecteurs qui n’entendent pas l’espagnol. Dans chaque idiome, la poésie parle un langage qui lui est propre et qui est toujours intraduisible.

Lejos de vos, é cerca de ciudado,
Pobre de gozo, é rico de tristeza,
Fallido de reposo, é abastado
De mortal pena, congoja é graveza.

Desnudo de esperanza, é abrigado
De inmensa cuita, é visto d’aspereza,
La mi vida me huye mal mi grado,
La muerte me persigue sin pereza.

Ni son bastantes á satisfacer
La sed ardiente de mi gran deseo
Tajo al presente, ni á me socorrer

La enferma Guadiana, ni lo creo :
Solo Guadalquivir tiene poder
De me sanar, é solo aquel deseo.

«  Loin de vous et près des soucis, pauvre de joie et riche de tristesse, privé de repos et chargé d’un poids mortel de peine et d’affliction, dépouillé d’espérance et revêtu de chagrin et de douleur, je sens la vie qui me fuit malgré moi, et la mort me poursuit sans relâche. Le Tage ne satisfait plus la soif ardente de mes désirs, et je ne crois pas que la Guadiana suffise à me soulager ; le Guadalquivir seul a le pouvoir de me guérir, et c’est lui seul que je désire. »

La lettre intitulée Question sur l’origine de la guerre, adressée à l’évêque de Burgos, ne fait pas partie du Cancionero de Santillane ; mais elle se trouve dans le manuscrit que l’on conserve à la bibliothèque royale de Madrid de la traduction d’Homère en castillan par Jean de Mena. Santillane est aussi auteur d’un poème sur la création du monde ; et, comme ce poème n’est pas compris non plus dans son Cancionero, on soupçonne que ce serait une composition des deux ou trois dernières années de sa vie, postérieure ainsi à l’envoi du recueil de ses œuvres au connétable de Portugal. Thomas Sanchez nous apprend, dans le premier volume de sa