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contre Napoléon. « En Europe, disait-il, il y a encore une presse libre, celle de l’Angleterre ; de Palerme jusqu’à Hambourg, toute liberté est éteinte, tout est asservi. Au milieu de tant de ruines, notre gouvernement et notre patriotisme se sont maintenus ; nous sommes fiers de ne pas avoir laissé crouler ce vénérable édifice construit par nos ancêtres, de pouvoir encore rendre la justice, réunir le jury, élever la voix en faveur de la liberté. Dans cette île que n’a pas atteinte l’immense convulsion qui a ébranlé tous les droits et bouleversé tous les empires, je puis donc défendre la presse ! » Cette attaque contre le fils et l’héritier de la révolution française suscita des ennemis à Mackintosh. Ses anciens partisans crurent y voir une défection : ils se trompaient. En 1792, il avait défendu la liberté ; en 1811, il la défendait encore.

Quand on apprit que Mackintosh allait siéger à la Chambre des Communes, on pensa que son éloquence éclipserait la gloire de nos plus célèbres orateurs. Le ministère tremblait. On sut que sa première motion serait relative aux affaires de la Norwège, et dès le matin une foule empressée assiégea les portes du Parlement. Quelle fut la surprise de ses amis, lorsque après avoir écouté son discours ils y cherchèrent en vain le sujet même qu’il avait promis de traiter ! C’était une dissertation philosophique très brillante, un morceau spirituel, savant et bien écrit, mais destiné plutôt à orner les pages d’une revue mensuelle qu’à produire de l’effet sur une assemblée délibérante. L’auteur s’occupait de toutes les nations du globe, la Norwège exceptée ; il plaidait en sa faveur sans prononcer son nom, sans paraître se souvenir qu’elle existait : subtilité raffinée, qui n’a rien de commun avec l’éloquence parlementaire. Les amis même de Mackintosh avouèrent qu’il s’était trompé.

Le bruit se répandit qu’il travaillait à une histoire d’Angleterre ; pendant vingt ans, on compta sur ce travail ; il s’occupait, disait-on, de recueillir ses matériaux, de consulter les manuscrits et les archives. En 1830, l’ouvrage n’était pas même commencé ; il s’était contenté d’esquisser de brillans portraits, de tracer quelques épisodes, de jeter çà et là des pierres d’attente et des fragmens. Enfin deux volumes insérés dans l’Encyclopédie de Lardner donnèrent une idée de ce que pourrait être un jour l’histoire d’Angleterre par Mackintosh. Ils n’étaient guère que l’amplification et le développement de la préface qui devait servir d’introduction à son grand ouvrage.

On y chercha vainement la main du génie, la puissance dominatrice qui s’empare de l’attention dès qu’elle apparaît. Du talent et des recherches curieuses, voilà tout ce que cet ouvrage renfermait de digne d’être remarqué. Moins historien qu’orateur, inhabile à concentrer dans