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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

— Je n’ai point la prétention d’être ici l’historien du romantisme ; mais, biographe du dernier venu et du plus jeune des chefs de cette école, je dois parler du camp où il est né, le jour d’une victoire qu’il remporta lui-même dans le succès de son premier drame, Henri III.

Puisque je viens de placer le berceau de la nouvelle littérature sous la sauvegarde de nos souvenirs historiques, je ne calomnierai pas son origine en l’accusant de parenté, même éloignée, avec la licence et l’anarchie. Rien de ce qui s’incarne parmi les hommes n’est exempt de tache originelle, Dieu seul excepté ; et, quoique venant de lui, la vérité elle-même et le progrès, qui n’est que la vérité en mouvement, sont soumis à cette loi, en passant sur la terre. Heureusement il y a une autre loi, loi de grace, dont le signe est le baptême. À quand celui du romantisme ? Nous ne pouvons encore parler que de sa naissance.

Je ne sais plus qui a dit que le siècle de Louis xiv avait été le cours de rhétorique du peuple français, et le xviiie siècle, son cours de philosophie. Alors, certes, peu d’enfans disent adieu au collège d’une façon plus bruyante. Elle fut terrible l’émancipation du dernier siècle, émancipation peu originale dans ses formes, chacun le sait ; car notre révolution fut toute tachée de grec et de latin, comme l’érudition d’un jeune homme : sanglante preuve de l’influence de la littérature sur les lois et les mœurs ! À part les chefs-d’œuvre de l’éloquence sacrée et les écrits des philosophes, les deux derniers siècles n’ont été, sous le point de vue littéraire et du théâtre surtout, qu’un brillant placage de paganisme, une mosaïque antique au milieu de la société moderne ; et, sinon dans les idées, du moins dans les formes, le génie de l’imitation fut roi en France, à partir de Corneille, qui, placé entre le moyen âge et le siècle de Louis xiv, semblait venu d’Italie en passant par l’Espagne ; depuis ce grand homme, transition sublime entre deux époques littéraires, auquel il n’a manqué peut-être, pour devenir plus grand encore, qu’un peu moins de respect pour les règles d’Aristote, et un peu plus de mépris pour les jugemens de l’Académie, jusqu’à Voltaire, immense génie de destruction, à qui la Providence avait donné un bélier formidable pour abattre cet échafaudage de rhétorique païenne et de religion de palais qui pesait sur la