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qui font changer de propriétaires les habitations et les esclaves ; enfin ils purent faire passer à leur famille des nouvelles et le fruit de leurs travaux. Cette fidélité à tenir les engagemens porta ses fruits ; les Hindous vinrent en grand nombre sur des bâtimens expédiés de la colonie, et des marchands spéculèrent sur leur passage. Les colons n’ont eu qu’à s’en louer jusqu’à présent : ils ne sont pas, il est vrai, si forts, si durs au travail que les nègres, mais ils sont plus doux, ne boivent que de l’eau, ne s’absentent jamais de leurs occupations et ne volent point, tandis que les autres sont généralement ivrognes, paresseux, débauchés et coureurs. Il a été jusqu’ici impossible de décider les Hindous à conduire leurs femmes avec eux : aussi retournent-ils dans leur patrie avec ce qu’ils ont gagné, aussitôt que leur engagement est expiré ; mais comme plusieurs sont revenus, il y a lieu d’espérer qu’on parviendra à surmonter cette répugnance, et qu’ils finiront par se fixer dans la colonie.

Le 1er mai 1830, la Favorite leva l’ancre pour se rendre dans le golfe du Bengale. Elle s’arrêta quelques jours dans l’archipel des Seychelles, qui a partagé le sort de l’Île de France et qui appartient depuis la même époque aux Anglais ; elle traversa les attollons dangereux des Maldives, reconnut Ceylan avec ses montagnes élevées, ses sombres forêts, et le 9 juin mouilla devant Pondichéry.

Une place ouverte de toutes parts, des promenades bordées d’arbres sur l’emplacement de ces remparts qui soutinrent tant d’assauts, des rues larges et droites, où quelques maisons et de nombreuses masures s’élèvent au milieu des ruines, un petit nombre d’édifices publics de modeste apparence, tel est l’aspect actuel de ce Pondichéry si célèbre dans l’histoire de l’Inde, et dont le nom est inséparable de celui des Dupleix, des Labourdonnaie, des Lally. Son territoire, qui jadis contenait des provinces riches et puissantes, aujourd’hui pressé entre les possessions anglaises, n’a pas plus d’une lieue de rayon : son commerce est anéanti, les richesses et le luxe ont disparu à sa suite ; mais malgré tant de malheurs, la population, réduite presque à rien, a conservé la gaîté, le goût des plaisirs et des réunions qui l’avaient rendue célèbre dans le dernier siècle. Les Anglais quittent souvent encore leurs palais et le faste qui les entoure pour passer quelques mois à Pondichéry,