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nuellement un langage digne d’un envoyé de Louis xiv, et déclara que, si on le jetait dans le château des Sept-Tours, il y demeurerait jusqu’à ce que le roi son maître lui en fît ouvrir les portes. On voulut le faire parler debout ; il écarta les armes qui l’entouraient, s’étendit sur le sopha, et déclara qu’il souffrirait plutôt la mort que de renoncer à ses privilèges. La conduite courageuse de Guilleragues donna une si haute idée du prince dont il était l’envoyé, que le grand seigneur voulut avoir son portrait, et le fit placer, contre tous les usages, dans une des chambres du sérail.

Plus tard, M. de Fériol, le protecteur de la belle Aïssé, fut obligé de lutter avec les chiaoux, qui voulaient lui arracher son épée qu’il prétendait porter à l’audience. Le grand visir lui fit dire que cette journée serait marquée par quelque malheur, s’il persistait dans sa résolution ; mais M. de Fériol répondit avec courage « Tant pis pour le plus faible ! venez ! je saurai mourir pour l’honneur du roi et de la France. » Et il fut en effet obligé de mettre l’épée à la main pour empêcher les capidgis de lui faire violence.

De pareilles scènes se renouvelèrent souvent depuis, et M. Ruffin, envoyé du Directoire, eut peine à sauver sa vie, et passa toute la campagne d’Égypte au château des Sept-Tours, dans une captivité rigoureuse.

La défense de Constantinople en 1806 est un fait plus brillant et plus décisif sans doute ; mais c’est une simple démonstration militaire qui devait peu coûter à un jeune général, envoyé par une nation victorieuse, et soutenu comme il l’était par tant d’officiers de distinction qui se trouvaient alors dans cette partie de l’Orient. Il est assez singulier qu’on ait tant parlé de cette affaire, tandis que l’acte diplomatique qui fait le plus d’honneur à la capacité, à l’énergie et au coup-d’œil de M. Sébastiani, a été attribué à d’autres, et se trouve aujourd’hui, quoique bien récent, complètement tombé dans l’oubli : je parle de l’expédition d’Ancône.

Casimir Périer, très habile banquier, mais ignorant ministre et surtout très mauvais géographe, ne savait pas précisément où se trouvait le port d’Ancône, qu’il eût plutôt cherché dans la Méditerranée que dans le golfe Adriatique, et il ne pouvait avoir l’idée d’une pareille expédition. M. Sébastiani n’ignorait pas au contraire qu’en occupant une place située presque vis-à-vis de Trieste, non-