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appuyer la pétition de quelques anciens soldats de la garde qui avaient servi sous ses ordres en Espagne, et qui réclamaient leur solde arriérée ; mais cette fois, ce fut avec l’esprit de calme et le ton de modération dont il s’écartait rarement, et le général Foy eut à soutenir tout le poids de la discussion soulevée par son ancien compagnon d’armes. M. Sébastiani avait parlé de cette réclamation en quartier-maître. Il avait établi avec beaucoup de justesse les droits des créanciers, examiné les titres qu’ils avaient dans la liquidation générale, prouvé qu’on avait payé la solde arriérée des émigrés, et qu’on ne pouvait refuser d’un côté ce qu’on faisait de l’autre. Enfin, dit M. Sébastiani en rajustant sa cravate et son habit brodé, la pétition des réclamans est juste, et elle doit vous intéresser ; puis, il quitta paisiblement la tribune. Foy s’y précipita après lui : « Vous intéresser, messieurs, s’écria-t-il, n’est pas seulement mon but en ce moment ; il s’agit de la solde gagnée sur le champ de bataille par des soldats qui ont combattu avec nous, à nos côtés, décorés, comme nous l’étions nous-mêmes, de la glorieuse cocarde tricolore ! » La chambre répondit à ces paroles par une effroyable explosion. — « Oui, messieurs, s’écria Foy en croisant ses bras sur sa poitrine, ce qui était son geste de défi et de colère, oui, messieurs, la glorieuse, à jamais glorieuse cocarde tricolore ! » Et seul sur la brèche, au milieu des cris et des rappels à l’ordre, il tint tête, en vrai soldat, à toute la cohorte royaliste, menée par les Dudon, les Castelbajac et les Marcellus, qui se ruaient sur lui avec fureur.

Le général Foy venait ainsi presque sans cesse, avec sa fougue et sa verve entraînante, au secours du général Sébastiani, dont la parole flasque et froide était souvent écrasée par les violentes apostrophes du côté droit. Toutefois il faut rendre justice au général Sébastiani ; ses motions furent presque toujours dictées par un esprit de droiture et de justice, et c’est l’honorer que les rappeler aujourd’hui. On doit surtout le louer de l’opiniâtreté qu’il mit dans cette session à exiger la publicité de la liste des pensions qui figurent, comme article secret, sur le budget des affaires étrangères. « Ce sont des pensions dont vous ne pouvez connaître ni la destination ni le titre, s’écriait M. Sébastiani. Or, dans un gouvernement représentatif, il ne doit y avoir rien de caché,