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le crut lui-même jusqu’au jour où il courut pour la première fois un danger, et où sa bravoure se révéla sous le feu des frégates anglaises. Après avoir long-temps refusé au maréchal Brune, ambassadeur de France, et à M. Ruffin, son conseiller de légation, qui résida après lui à Constantinople, de reconnaître Napoléon comme empereur, Sélim, décidé par les victoires de la campagne de 1805, et surtout par la bataille d’Austerlitz, avait enfin envoyé à Paris Galip-Effendi en qualité de ministre plénipotentiaire. Depuis la campagne d’Égypte, les anciennes relations amicales de la France avec la Turquie avaient été violemment rompues. L’arrivée de l’envoyé turc produisit à Paris une vive sensation ; et pour achever de renouer nos rapports avec l’Orient, l’empereur se décida à expédier à Constantinople, avec la qualité d’ambassadeur, le général Horace Sébastiani.

Le général Sébastiani se présentait à Constantinople au milieu de circonstances assez difficiles. Là, comme partout, l’Angleterre et la Russie étaient liguées contre nous, et ces deux puissances étaient représentées par M. Arbuthnot et M. Italinski, deux hommes qu’on disait fort habiles. M. Italinski surtout exerçait personnellement une grande influence sur la Porte. Versé comme il l’était dans les langues orientales, parfaitement initié à la politique du gouvernement turc, connaissant à fond le manège de ses ministres, leurs points faibles et les moyens de corruption qu’on pouvait employer auprès d’eux, il était d’un grand secours au ministre d’Angleterre, et son départ forcé mit celui-ci dans un si grand embarras, qu’il tomba malade d’inquiétude, et se mit au lit, comme je viens de vous le dire. Autour de ces deux personnages, se groupaient d’autres ennemis de la France, le baron de Sturmer, internonce d’Autriche ; le baron de Bielfeld, chargé d’affaires de Prusse ; le chevalier de Palin, envoyé de Suède ; le baron de Hubsch, agent du Danemarck, et le comte de Ludolf, ministre de Naples, tous peu redoutables par leur propre crédit, qui était fort mince, mais qui s’agitaient en tous sens, et formaient, ainsi réunis, un foyer d’intrigues et de volontés opposées aux vues du gouvernement français.

La présence du général Sébastiani à Constantinople n’était pas faite pour calmer l’aigreur et le ressentiment du gouvernement