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SCIENTIA.

Comme le saint martyr, toi, cloué sur tes draps,
Tu voulais voir le Christ qui te tendait les bras !
Par tes sourds râlemens, par tes larmes, sans doute,
Du sang miraculeux tu cherchais une goutte !
Et tu disais : Seigneur, penchez-vous par ici !
Jésus, ayez pitié de moi, je souffre aussi ! »

— Assez, assez de cris, de tortures, de larmes !
Sortons de cette chambre, à présent j’ai mes armes.
Je puis, sans trop pâlir, marcher contre le sort.
Mon cœur est aussi bon, mon esprit est plus fort.
J’ai touché dans la vie à chaque point extrême.
Le monde m’est connu, je me connais moi-même.

Sortons de cette chambre ! assez, assez de pleurs !
L’ame mûrit bien vite à ces grandes douleurs.

Hélas ! de ce collège où commença ma vie,
Pour la seconde fois je faisais ma sortie,
Mais j’avais l’air plus grave et le pied moins léger,
Car je ne rentrais pas au monde en étranger.

Et je dis en partant : L’homme est, à son aurore,
Un tout harmonieux qui cependant s’ignore ;
Il suit son innocence avec sécurité,
Et s’en va plein de foi, de douceur, de gaîté ;
Mais l’ombre vient, la route à ses regards s’efface,
Et de son conducteur l’enfant quitte la trace.
À travers les détours de ce voyage obscur
Il cherche un autre ami moins riant et plus sûr ;
Long-temps il erre seul ; enfin sa conscience
Comme un guide éprouvé lui donne la science ;
Et son cœur, sa pensée et ses sens à la fois
Forment un nouveau tout et qui comprend ses lois.
Bien heureux désormais, quand l’épreuve est finie,
Et que son être entier n’est plus qu’une harmonie,
S’il se complaît lui-même en sa tranquillité,
Et s’il ne brise plus cette triple unité !


L’auteur de Marie.