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SCIENTIA.

Quelques-uns pour nous voir soulevèrent la tête,
Et par beaucoup d’efforts redressant leur squelette,
Arrêtèrent sur nous un regard sans clarté,
Mélange de souffrance et de stupidité :
Toute leur vie était dans ce regard sincère ;
Mais une histoire, hélas ! si pleine de misère,
Que mes yeux ne pourraient jamais pleurer assez
Sur tant de maux présens, sur tant de maux passés.

Voilà ce qu’on voyait dans cette cour étrange,
Et comment, jeune encor, j’appris comme tout change.
On m’ouvrit la maison. En montant l’escalier,
Je me mis à songer à mes jours d’écolier,
À cet âge où l’on rit, à cet âge où l’on joue,
Quand les cheveux à l’air et le feu sur la joue,
Ici je grandissais, et par quels habitans
Nous étions remplacés après si peu de temps.
Le monde m’apparut dans toute sa tristesse.
Moi, loin de mon enfance et loin de ma vieillesse,
Ainsi qu’un voyageur entre deux sommités,
Je mesurais la vie à ses extrémités ;
Et voyant tant de force autrefois dépensée,
De science aujourd’hui sans profits amassée,
Je cherchais dans mon cœur ce qu’on ne pourra voir
Ensemble réunis, la force et le savoir.
Alors l’un des vieillards, l’aumônier, sage prêtre,
Qui, d’après quelques mots, me devina peut-être,
Me dit en souriant : « Si vieillesse pouvait !
— Ah ! repris-je, à mon tour, si jeunesse savait ! »
Ainsi, de ce vieux mot de l’humaine sagesse
Tous les deux nous sentions la sévère justesse,
Lui, chargé d’un savoir inutile aujourd’hui,
Moi, qui courais sans frein au même but que lui.

Cependant m’abreuvant à cette amère source
Et d’un pas résolu je reprenais ma course,