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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

resta presque abandonné ; il n’en combattit pas moins avec une grande bravoure, et fut tué dans la mêlée. Les paysans gaulois, dont se composait l’armée de Godeghisel et de Gonthramn Bose, n’avaient point, comme les Franks, une sorte de culte pour les descendans de Merowig ; sans égard pour la longue chevelure qui distinguait le fils du roi Hilperik, ils le dépouillèrent comme le reste des morts, et le laissèrent nu sur le champ de bataille. Mais un chef austrasien, nommé Arnulf, eut horreur de cette profanation : quoique ennemi de Theodebert, il enleva avec respect le corps du jeune prince ; puis, l’ayant lavé, selon la coutume, et habillé de riches vêtemens, il le fit ensevelir à ses frais dans la ville d’Angoulême[1].

Cependant le roi Gonthramn, cédant encore une fois à son goût pour le repos ou à l’impression de la crainte, venait de se réconcilier avec Sighebert. Hilperik apprit cette nouvelle trahison en même temps que la mort de son fils, et la perte de son armée d’Aquitaine. Réduit par ce double malheur à un état complet de désespoir, et ne songeant plus qu’à sauver sa vie, il quitta les bords de la Seine, traversa rapidement tout son royaume, et alla se réfugier dans les murs de Tournai avec sa femme, ses enfans, et ses guerriers les plus fidèles[2]. La force de cette ville, première capitale de l’empire frank, l’avait déterminé à la prendre pour asile. Dans l’attente d’un siège, il s’occupait d’y rassembler des hommes et des munitions de guerre, pendant que Sighebert, libre de ses mouvemens dans toute l’étendue de la Neustrie, s’emparait des villes de ce royaume. Ayant occupé celles qui se trouvaient au nord et à l’est de Paris, il se porta vers l’occident, résolu de livrer ce qu’il venait de conquérir, cités et territoire, en solde à ses guerriers d’outre-Rhin. Ce projet fut pour tous les Franks, même

  1. Theodobertus devictus in campo prosternitur, et ab hostibus exanime corpus, quod dici dolor est, spoliatur. Tunc ab Arnulfo quodam collectus, ablutusque, ac dignis vestibus est indutus, et ad Ecolismensem civitatem sepultus. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230.
  2. Chilpericus verò cognoscens, quid iterùm se Gontchramnus cum Sigiberto pacificasset, se infra tornacenses muros cum uxore et filiis suis communivit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230.