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Cependant Theodebert passa la Loire, et par un mouvement qui semble offrir quelque apparence de combinaison stratégique, au lieu de marcher d’abord sur Tours, comme avait fait son jeune frère, il se dirigea vers Poitiers, où les chefs austrasiens qui commandaient en Aquitaine venaient de concentrer leurs forces. Gondobald, le principal d’entre eux, eut l’imprudence de hasarder le combat en plaine contre les Neustriens beaucoup plus nombreux, et surtout plus animés à cette guerre que les troupes qu’il conduisait. Il fut complètement défait, et perdit tout dans une seule bataille[1]. Les vainqueurs entrèrent à Poitiers ; et Theodebert, maître de cette place au centre de l’Aquitaine austrasienne, put se porter librement vers l’une ou vers l’autre des villes dont il avait mission de s’emparer. Il choisit la direction du nord, et entra sur cette partie du territoire de Tours qui occupe la rive gauche de la Loire. Soit par les ordres de son père, soit d’après sa propre inspiration, il fit au pays une guerre de sauvage, portant la dévastation et le massacre dans tous les lieux où il passait. Les citoyens de Tours virent avec effroi du haut de leurs murailles les nuages de fumée, qui, s’élevant de tous côtés autour d’eux, annonçaient l’incendie des campagnes voisines. Quoique liés envers le roi Sighebert par un serment prêté sur les choses saintes, ils firent taire leurs scrupules religieux, et se rendirent à discrétion en implorant la clémence du vainqueur[2].

Après la soumission de Poitiers et de Tours, l’armée neustrienne alla mettre le siége devant Limoges, qui lui ouvrit ses portes, et de Limoges elle marcha sur Cahors. Dans cette longue route, son passage fut marqué par la dévastation des campagnes, le pillage des maisons et la profanation des lieux saints. Les églises étaient dépouillées et incendiées, les prêtres mis à mort, les religieuses violées et les couvens détruits de fond en comble[3]. Au bruit de

  1. Qui Pictavis veniens contra Gundobaldum ducem pugnavit. Terga autem vertente exercitu partis Gundobaldi, magnam ibi stragem de populo illo fecit. Greg. Turon., lib. IV, pag. 228.
  2. Sed et de Turonica regione maximam partem incendit, et nisi ad tempus manus dedissent, totam continuò debellasset. Greg. Turon., lib. IV, pag. 228.
  3. Commoto autem exercitu, Lemovicinum, Cadurcinum, vel reliquas illorum provincias pervadit, vastat, evertit ; ecclesias incendit, ministeria detrabit, clericos