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LITTÉRATURE ANGLAISE.


Édouard Lytton Bulwer, doué de talens très variés, a donné plus d’une preuve de sa puissance intellectuelle. Il sait comprendre à la fois le sarcasme acéré et la plaisanterie légère, les mœurs du grand monde et les mœurs héroïques, le pathétique et le grotesque : on l’a vu reproduire avec le même bonheur les scènes des palais et celles des chaumières, faire agir et parler sur le même théâtre l’homme rustique et l’homme de cour. Maître de tous ces élémens disparates, il ne manque pas d’habileté pour les réunir, et sur cet ensemble bizarre une imagination pleine de caprice et de charme fait jouer sa lumière, souvent obscurcie, mais souvent brillante, mais toujours active et libre. Vous trouvez de tout dans les œuvres de Bulwer : le parlement et ses héros ; les salons, leurs frivolités, leurs diamans et leurs panaches ; Londres pendant la nuit, Londres souterraine, avec ses brigands de mauvais ton dans les carrefours et ses brigands couverts de soie dans les maisons de jeu ; la pauvreté dans ses tortures, dans ses crimes, dans ses remords. Bulwer est jeune, il sait beaucoup, il a beaucoup observé ; sa conception est presque toujours morale, et l’exécution de ses romans, le dessin de ses portraits sont dramatiques. Il a de l’audace dans le style, quelque chose d’expressif et de rapide ; des passages heureux, des traits brillans semblent s’échapper de sa plume sans effort.

Disons un mot de ce qui lui manque. Son esprit facile et vif court et s’égare sur tous les objets, rayonne sur les monts, passe sur les villages, éclaire le sommet des édifices, s’abaisse sur les marécages et les joncs des étangs, et continue cette route vagabonde, que guide la seule fantaisie. On s’étonne de rencontrer des conversations oiseuses à côté de discussions graves, des saillies grotesques à côté d’accès misanthropiques. On se rappelle involontairement ces Romains qui réparaient, avec des fragmens de porphyre et d’albâtre arrachés à l’autel des dieux, les brèches faites à leurs remparts de briques par les catapultes ennemies. Nous admirons tout ce qu’il y a d’étendue, de variété, de souplesse et d’expérience sociale chez cet homme remarquable ; et cependant je ne sais quel manque d’har-

    s’est inspiré à la fois de Godwin, de Walter Scott et de Lewis. Ce mélange de tons différens n’a pas été toujours heureux. Pour peindre les caractères, comme l’ont osé faire Scott et Shakspeare, il faut une impartialité haute et froide, une finesse presque ironique qui ne s’accordent pas avec la misanthropie déterminée de Godwin, ni avec la fougue sombre de Lewis et de Maturin. Les portraits humains de Banim nous semblent souvent exagérés, et ses peintures de passion sont chargées d’une foule de détails qui en affaiblissent la puissance.