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COMMENT JE DEVINS AUTEUR DRAMATIQUE.

dans une confusion apparente, des discours, des cartes géographiques et des livres entr’ouverts.

Il se retourna, en entendant ouvrir la porte de son sanctuaire, avec la vivacité qui lui était habituelle, et arrêta ses yeux perçans sur moi. J’étais tout tremblant.

— Monsieur Alexandre Dumas ?… me dit-il.

— Oui, général.

— Êtes-vous le fils de celui qui commandait en chef l’armée des Alpes ?

— Oui, général.

— C’était un brave. Puis-je vous être bon à quelque chose ? j’en serais heureux.

— Je vous remercie de votre intérêt. J’ai à vous remettre une lettre de M. Danré[1].

— Oh ! ce bon ami !… que fait-il ?

— Il est heureux et fier d’avoir été pour quelque chose dans votre élection.

— Pour quelque chose, — en décachetant la lettre, — dites pour tout. Savez-vous, continua-t-il, tenant la lettre ouverte sans la lire, savez-vous qu’il a répondu de moi aux électeurs, corps pour corps, honneur pour honneur ? J’espère que ma nomination ne lui aura pas valu trop de reproches. Voyons ce qu’il me dit. — Il se mit à lire. — Ah ! il vous recommande à moi avec instance ; il vous aime donc bien ?

— Comme son fils.

— Eh bien ! voyons alors. — Il vint à moi. — Que ferons-nous de vous ?

— Tout ce que vous voudrez, général.

— Il faut d’abord que je sache à quoi vous êtes bon.

— Oh ! pas à grand’chose.

— Voyons, que savez-vous ? un peu de mathématiques ?

— Non, général.

— Vous avez au moins quelques notions d’algèbre, de géomé-

  1. C’est effectivement à M. Danré que je dois d’être ce que je suis, en supposant que je sois quelque chose ; on m’excusera donc de le nommer, la reconnaissance est indiscrète.