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me jetai dans un cabriolet, et me fis conduire rue du Faubourg-Montmartre, no 4 ; c’était là qu’il demeurait.

— Le général Verdier ? demandai-je au concierge.

— Au quatrième, la petite porte à gauche. — Je le fis répéter ; j’avais cependant bien entendu.

Pardieu, me disais-je tout en montant l’escalier, voilà au moins quelque chose qui ne ressemble ni aux laquais à livrée du maréchal Jourdan, ni au suisse de l’hôtel Sébastiani. — Le général Verdier, au quatrième, la porte à gauche ! — Cet homme-là doit se souvenir de mon père.

J’arrivai à ma destination. Un modeste cordonnet vert pendait près de la porte désignée : je sonnai avec un battement de cœur dont je n’étais pas le maître. J’attendais cette troisième épreuve pour savoir à quoi m’en tenir sur les hommes.

J’entendis des pas qui s’approchaient ; la porte s’ouvrit, un homme d’une soixantaine d’années parut. Il était coiffé d’une casquette bordée d’astracan, vêtu d’une veste à brandebourgs, et d’un pantalon à pieds ; il tenait d’une main une palette chargée de couleurs, et de l’autre un pinceau. Je crus m’être trompé, et je regardai les autres portes.

— Que désirez-vous, monsieur ? me dit-il.

— Présenter mes hommages au général Verdier. Mais il est probable que je me trompe ?

— Non, non, vous ne vous trompez pas ; c’est ici. —

J’entrai dans un atelier.

— Vous permettez, monsieur ? me dit l’homme à la casquette en se remettant à un tableau de bataille, dans la composition duquel je l’avais interrompu.

— Sans doute ; et si vous voulez seulement m’indiquer où je trouverai le général… —

Le peintre se retourna.

— Eh bien ! mais pardieu ! c’est moi, me dit-il.

— Vous ?… — Je fixai mes yeux sur lui avec un air si marqué de surprise, qu’il se mit à rire.

— Cela vous étonne de me voir manier le pinceau ! n’est-ce pas ? reprit-il, après avoir entendu dire peut-être que je maniais assez