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MÉLANGES.

fut tel, que les soldats auraient été en grand danger de mourir, s’ils n’eussent rencontré une forêt de roseaux d’une espèce particulière, dont l’intérieur est plein d’une eau douce et très bonne à boire. Ces roseaux sont communément gros comme la cuisse d’un homme, de sorte que dans chaque entre-nœud les soldats trouvaient plus d’une demi-azumbre d’eau. Cette eau, ajoute-t-il, est fournie à la plante par la rosée qui la nuit tombe du ciel. C’est du moins l’opinion générale, et elle me semble très juste, car on ne voit pas d’où pourrait venir cette eau, puisque la terre qui porte les roseaux est sèche et entièrement privée de sources et de ruisseaux. »

Garcilasso, dans ses Commentaires royaux, en racontant la même expédition, n’oublie point de parler des roseaux qui soulagèrent la soif des soldats. Il emprunte le fait à Zarate et à Gomara, mais il ajoute, sur la plante qu’il paraît bien connaître, plusieurs nouveaux détails, et nous apprend que dans la langue du Pérou son nom était Ypa.

Dans la Argentina, relation rimée de l’expédition au Rio de la Plata, l’auteur, don Martin del Barco Centenero, qui faisait partie de l’expédition, a consacré dans son troisième chant deux octaves à célébrer ces utiles roseaux[1].

Oviedo, au chapitre lxxxi de sa Relation sommaire, parle de différentes sortes de bambousiers que l’on trouve à la terre ferme, et dont une contient de l’eau dans l’intervalle de ses nœuds ; mais l’espèce qu’il désigne est différente de celle dont il a été question jusqu’ici, elle n’appartient pas au même genre, c’est le grand nastus chusque, « dont la tige est grosse comme le bois d’une lance, et dont les nœuds sont espacés de deux empans. » Oviedo fait remarquer que cette canne qui atteint une grande longueur, et qui est très flexible, ne croît que là où elle peut trouver un arbre qui

  1. Unas canas he visto y canutones
    Tan gruesos como piernas muy crecidas ;
    Catorce y quinte tienen poco menos
    Cada cana de agua todos llenos.
    El agua es muy sabrosa clara y fria.

    (Chant iii, oct. 32 et 33.)