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une faute, une erreur, les replaçant dans le droit chemin, leur tirant l’oreille quand ils tournent la tête, et élevant l’index de la main droite d’un air d’admonition pédagogique, toutes les fois qu’ils tressaillent au bruit de quelque nouveauté, à l’approche de quelque aubaine aventureuse.

Peintre des mœurs et bienfaitrice de son temps, son nom se perpétuera, grace à ses Contes Moraux, à son Château de Rack-Rent, à son Patronage, etc. Sa taille est petite, son œil est vif, sa conversation animée et agréable.


Jeanne Porter et Anne-Marie Porter[1]. — Ces deux sœurs occupent un rang distingué parmi leurs rivales. L’amour du bien, le sentiment du beau, caractérisent leurs ouvrages, qui se font remarquer par cette qualité plutôt due par l’élévation et la vérité.

Jeanne Porter, dans ses Chefs Écossais, a raconté d’une manière intéressante les aventureuses destinées de Wallace. Dans cet ouvrage, on retrouve la résolution, la fermeté, le courage héroïque, les vertus privées, la constance en amour et en amitié que tous les historiens lui attribuent, et cet amour filial porté jusqu’au fanatisme de la vengeance ; mais elle lui a prêté aussi bien des traits qui ne conviennent ni à son époque ni à son caractère. Wallace aimait à s’endormir à l’ombre des vieilles forêts, couvert de sa cuirasse d’acier, à surprendre ses ennemis au sein des ténèbres, à couvrir de cadavres le champ du combat. Quand Édouard lui offrit un duché, ne répondit-il pas : Le sang de mes ennemis, et non leur or ! Leurs tombeaux, et non leurs terres ! Un tel homme était loin de la douceur gracieuse que sa romancière lui accorde.

Jeanne et Marie ont publié, chacune, à peu près cinquante volumes. Anne-Marie avait six ans lorsque Walter Scott, alors enfant, partait de l’école, se rendait chez la mère de la petite fille, et venait lui raconter d’interminables histoires de féerie et de sortilèges. Anne-Marie est un de

  1. Le talent des deux sœurs Porter nous semble dénué de force et de nouveauté. Elles aiment à peindre les mœurs héroïques, à semer leurs romans de grands noms que l’histoire consacre, et de beaux dévouemens qu’elles prodiguent sans les expliquer. Il leur manque la première qualité de l’auteur de romans, l’observation vraie. En lisant les ouvrages volumineux de ces deux sœurs, on se rappelle les fictions favorites du xviie siècle, les interminables épopées en prose que Mme de Sévigné entourait de sa protection, les romans de la Calprenède, de Mlle de Lafayette et de l’immortelle de Scudéry, dont les grands coups d’épée, le style facile et lâche, et les nobles sentimens, délayés en dix tomes in-4o, ont émerveillé nos bisaïeules.