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REVUE. — CHRONIQUE.

qui fait l’abandon de sa conscience et de sa dignité, sa tâche devient autrement humiliante et rude. Jour et nuit, sa flétrissure est imprimée sur son front, car c’est publiquement qu’il lui faut exercer son triste et profitable métier. Un roi constitutionnel fait peu de cas des louanges qu’on lui adresse dans son salon, surtout quand ce roi sait la valeur des choses, et quand il a pour maxime que tout doit se résumer par un accroissement de pouvoir et de fortune. Voyez M. Thiers ! Avec tout l’esprit dont le ciel l’a doué, avec toute l’adresse qui l’a fait se faufiler au pouvoir en laissant tomber à chaque pas derrière lui, sur sa route, un de ces principes dont il s’était artificieusement paré, il n’a pu franchir le dernier degré qui mène à la fortune, qu’en se soumettant à cette misérable condition, et son ministère n’a réellement commencé que de l’instant où il s’est déclaré hautement l’humble serviteur, l’esclave sans volonté du maître. Les marchands hollandais n’étaient jadis admis au riche négoce du Japon qu’après avoir craché sur l’image du Christ ; nos fonctionnaires et nos traficans libéraux de juillet ne montent aux honneurs qu’après avoir foulé aux pieds le crucifix de la liberté.

M. Persil a donc fait à son tour sa profession de foi publique, et cette déclaration acquerrait quelque importance, s’il était vrai, comme on l’assure, qu’un haut personnage à qui se rapporte tout aujourd’hui, eût formulé de sa plume les passages de ce discours qui ont eu le plus de retentissement. Cette rentrée de la cour royale serait alors un véritable lit de justice, et il ne manquerait aux phrases suivantes, que la parole brève et haute d’un Louis xiv, botté, éperonné et le fouet à la main :

« On se plaint de la coopération du roi au gouvernement dans les limites mêmes de la constitution : on veut l’en éloigner pour le placer au rang obligé des rois fainéans. C’est alors qu’on aurait bon marché de la monarchie : l’inutilité d’un roi qui n’aurait d’autre mission que de vivre aux dépens du peuple, serait bientôt démontrée, et la république naîtrait de la nécessité d’avoir un gouvernement véritable. Les républicains le savent, et voilà pourquoi, afin de mieux annuler le roi, ils se couvrent de cette maxime toute démocratique : Le roi règne et ne gouverne pas.

« Non, messieurs, cette maxime n’est pas vraie ; elle n’a pu être inventée que dans un système anti-monarchique. On en a récemment fait l’aveu. Elle n’était, nous a-t-on dit, destinée qu’à renverser la branche aînée, et, sous le roi de juillet, c’est contre la monarchie elle-même qu’elle est dirigée. Régner et gouverner sont deux choses inséparables, ou plutôt elles ne forment qu’une seule et même chose. Régner, c’est dominer, c’est être placé dans un lieu, dans une situation élevée, pour apprécier et juger les vœux et les besoins du peuple ; gouverner, c’est ordonner d’après ce qu’on a vu et appris. L’un est l’examen, l’autre le jugement.