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— gênés, il est vrai, la plupart maintenant et criblés de dettes au milieu de leurs immenses patrimoines, — avaient fait la sourde oreille ; et malgré les insinuations officieuses de la gazette officielle, il n’y avait eu chez eux ni bals, ni soupers, ni comédies.

Son excellence el Ayutamiento avait également annoncé qu’afin de fournir un débouché de plus à la joie qui animait les habitans de Madrid, elle permettait qu’il y eût des bals de souscription dans les salles du café de Santa-Catalina.

En dépit de cette autorisation, aucun souscripteur ne s’étant présenté, il n’y avait pas eu non plus de bals de souscription.

Leurs majestés, qui avaient assisté à toutes les cérémonies, qui s’étaient montrées partout, avaient été partout aussi accueillies par un morne silence. — Était-ce donc là ce roi que son peuple avait tant aimé, pour lequel il avait tant sacrifié ? — Était-ce donc là cette reine, naguère l’idole de tant d’exilés auxquels elle avait rendu la patrie, et qui avaient mis en elle tant d’espérances ? Étaient-ce là ces souverains au-devant desquels, il n’y avait pas un an encore, à leur retour de Saint-Ildephonse, s’étaient élancés tant de transports d’allégresse et d’enthousiasme ? Chez cette nation si amante de ses monarques, si avide de fêtes, si passionnée pour elles, d’où venait cette froideur universelle ?

Oh ! elle avait bien des causes : c’est que chacun était froissé ; c’est que chacun était mécontent du présent et inquiet de l’avenir. Les uns ne pardonnaient pas l’absence et la proscription d’un prince qui leur semblait le seul légitime héritier du trône ; les autres voyaient encore une fois douloureusement s’évanouir leurs belles illusions de liberté.

Pour tous, — qu’est-ce qu’avaient été ces cortès dérisoires du 20 juin, ce fantôme de représentation nationale, cette assemblée de sourds-muets convoquée pour un jour, afin de prêter à un enfant un serment prescrit et sans réciprocité ?

L’Espagne en était-elle donc descendue à ce point de servitude, après avoir eu des cortès qui avaient pu dire à leur souverain : — « Nous qui réunis valons plus que vous, et qui séparés valons chacun autant que vous, nous vous jurons, roi, sous la condition que vous garderez et maintiendrez nos droits, sinon, — non. — »

Et sans remonter si haut, à moins de deux siècles de distance,