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une imagination haute et poétique, une sensibilité forte et profonde. Il produisit ensuite Lochiel et le Sorcier, puis le Fils d’O’Connor. La versification de ces poèmes est noble et grandiose ; en lisant le second, il est impossible de ne pas s’associer aux douleurs que le poète décrit. Tous deux représentent admirablement les idées et les sentimens de la nationalité gaëlique. Le peuple écossais adopta ces deux poèmes avec transport.

Celui que préfère le poète lui-même est l’admirable roman en vers intitulé : Gertrude de Wyoming. On ne peut le lire sans être ému ; c’est une douleur touchante et paisible pour ainsi dire ; c’est un pathétique plein de dignité et de grandeur ; comme celui de Niobé. Cet ouvrage abonde en scènes domestiques, en peintures de l’amour filial et paternel, qui protègeront la gloire de l’auteur. En 1822, il publia Théodoric, poème moins naturel et moins heureux dans ses détails, mais qui ne manque pas de beautés.

Il a composé plusieurs chansons de guerre, véritables hymnes dont la diction est concise et ardente, dont l’élégance classique s’unit à une énergie et à une rapidité merveilleuses. Je ne connais que le Chant de guerre de Bruce[1] par Burns et le Donuil Dhu[2] de Walter Scott qui puissent entrer en comparaison avec ces morceaux lyriques. On y trouve, au milieu du fracas de la guerre et des cris de joie barbares des vainqueurs, un mélange de tendresse, de grace et d’humanité, une sympathie pour les vaincus, des sentimens mélancoliques et profonds qui donnent à ces œuvres un caractère d’originalité vraiment touchante ; il me suffit de citer Hohenlinden et la Bataille de la Baltique.

Il y a plusieurs années, Campbell a publié plusieurs volumes d’Extraits des poètes anglais anciens et modernes, accompagnés d’excellentes notices et de dissertations qui prouvaient un jugement sain, une critique forte, pénétrante, libérale, éclairée. Il avait commencé la vie de Thomas Lawrence ; mais il a abandonné ce projet après en avoir écrit quel-

    ment véritable de la poésie. C’est ainsi que Delille a fait le poème de l’Imagination, et M. Esmenard celui de la Navigation. Rien d’épique, rien de dramatique dans la création de pareilles œuvres. C’est un enchaînement de petits tableaux, dans chacun desquels on peut montrer plus ou moins de talent, mais qui ne s’unissent par aucun point central, par aucun lien de grande et haute unité. Ce genre, oublié en Angleterre, a été un peu relevé récemment par l’enthousiasme religieux du second des Montgomery, qui a chanté en vers assez purs, mais entachés de monotonie, l’omni-présence de la Divinité.

  1. Scots who ha’e wi’ Wallace bled, etc.
  2. Voyez la traduction de ce Pibroch dans notre dernier numéro.